Melody

29

Naël est réveillé par un coussin qui lui est jeté en pleine tête. Son sursaut réveille Thylan par la même occasion, qui dormait sur lui, le mouvement brusque le faisant tomber à terre. Le problème avec les esprits embrouillés, c'est qu'ils font faire des bêtises. En direction de sa chambre, Lanna entend le bruit sourd d'un corps heurtant le sol, et le aïe caractéristique d'une personne tombée à terre. Elle se retourne pour constater son colocataire au sol et ricane avant de rentrer dans la salle de bain. En tentant de se relever pour aider Thylan, Naël se prend les pieds dans un Crush pas un poil gêné par l'agitation. Ne réussissant pas à se rééquilibrer, il tombe à son tour tête la première.

Sur le moment, aucun des deux garçons ne réagit à la chute de l'autre. C'est seulement quand leurs regards se croisent, pendant qu'ils se massent mutuellement la tête et l'épaule pour atténuer la douleur, qu'ils finissent par sourire, puis par éclater de rire.

— Merci d'avoir amorti ma chute, remercie Naël.

— On va être en retard ! hurle Lanna se sortant de la salle de bain, en lançant cette fois-ci sa serviette de bain sur les garçons.

— Quelle rabat-joie, s'amuse Thylan en levant les yeux au ciel.

Se prendre la serviette de Lanna en pleine figure ne le décourage pas dans son fou-rire qui s'intensifie alors. Naël, lui, se fige en une fraction de seconde ; car Lanna est sortie de la salle de bain avec une serviette autour de la taille, mais aucune dans les cheveux, les laissant libres de sécher pour construire de belles frisettes. En voyant son ami se décomposer et devenir aussi blanc que le tissu qu'il a dans sa main, l'hilarité de Thylan redouble de plus belle.

— Couvre-toi les yeux Naël ! Tu risques de devenir aveugle, parvient-il tout de même à articuler.

— Très drôle. Allez ! On bouge ses fesses. Je dois être au restaurant dans une heure et toi Thylan au bureau dans 45 minutes.

— Ok, grand chef !

Thylan attrape le bras de Naël qui a suivi son conseil en se couvrant les yeux – il a déjà un peu trop vu le corps de Lanna à son goût, et Thylan l'embarque dans la cuisine pendant que Lanna file dans sa chambre pour s'habiller.

— C'est bon ? quémande Naël en écartant ses doigts de quelques millimètres. Piouf. Ta coloc' est vraiment tarée.

— C'est ce qui fait son charme. Café ?

— Comme toujours. Merci.

Quand la machine s'enclenche, libérant une bonne odeur de grains torréfiés, Thylan se met à grimacer avant d'amener sa main à sa tempe.

— Tu as mal à la tête ? s'enquit Naël.

— C'est rien. Je vais prendre un ibuprofène avec mes comprimés.

— J'ai l'impression que tu vas mieux depuis quelque temps. Je commençais à m'inquiéter pour toi.

— Tu n'es pas le seul. Lanna et Em' m'ont aussi fait la morale concernant mes crises. Mais ce n'était qu'une phase à cause du boulot et de tout ce que j'ai à côté. Une semaine de vacances et je suis remis d'aplomb !

Le clin de Thylan cache une forme d'incertitude quant à tout cela. Il se doute que ce n'est pas que le repos qui l'a aidé ces derniers jours. En dormant avec Naël, il n'a fait aucun cauchemar, aucune terreur nocturne. Il se réveillait souvent dans la nuit, ça, ça ne changera jamais, mais se rendormir a été plus facile, plus doux. C'est grâce à cela qu'il a limité les endormissements pendant la journée.

— Même pas une crise de cataplexie, ajoute–t–il tout sourire.

— Arrête de mentir, c'est pas bon pour le karma, balance Lanna en revenant avec une tenue correcte.