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Patrick a renvoyé le trio peu de temps après le passage à la nouvelle année, exigeant des trois jeunes gens qu'ils profitent de leur soirée, qu'ils fêtent ce nouvel an comme les autres. Après tout, la ville est une scène ouverte pour encore quelques heures. Naël a hâte de pouvoir découvrir les autres groupes et les musiciens aux répertoires divers. Pour arriver au restaurant en fin d'après-midi, Thylan et lui ont déjà pu profiter d'une chorale en mouvement avec des personnes de tout âge aux sourires contagieux, un jeune pianiste au coin d'une rue et une chanteuse a capella se partageaient la rue avec des artistes polyvalents : des caricaturistes, cracheurs de feu, jongleurs. Dans ce genre de fête en pleine ville, on croise d'innombrable personne de tout genre : des fêtards, des couples main dans la main, des amis discutants, des chanteurs s'époumonants, des enfants dansants. Et au milieu des passants, des individus bravaient les cohues : comme un homme tentant vainement de rentrer chez lui avec une valise dans chaque main ou une femme rentrant du travail en tailleur, fatiguée de sa journée, une autre roulant sur son vélo à une vitesse ridicule. Mais à cette heure, les instruments à vents, les peintres, et les musiciens en devenir laissaient place à des platines et des hauts parleurs gonflés à bloc.

Si les garçons écoutaient Lanna, ils passeraient faire un tour dans tous les quartiers où des artistes sont programmés. Mais Thylan a un plan moins compliqué. L'un de ses amis de la fac, DJ à ses heures perdues, l'a invité à venir l'écouter.

Pendant que Lanna et Thylan discutent, Naël, de son côté, contemple ce qui l'entoure avec un œil presque nouveau. Il y a un an, les rues de Paris étaient synonymes de solitude. Ce soir, elles sont pleines de joies, de franches rigolades, d'accolades, et de bonne humeur. Dans les quartiers un peu plus loin, au fil des rues et des ruelles, les foules s'amassent de plus en plus tentant de se frayer un passage. L'avantage, c'est que la chaleur des marées humaines leur tient chaud en cette nuit d'hiver.

Quelques fois, le duo se fait arrêter en pleine route, accosté par un admirateur ou une admiratrice les ayant entendus quelques heures plus tôt ou vu sur internet. Facile de repérer les deux jeunes hommes vu l'étui à violon qui dépasse de l'épaule de Naël. Sauf que ce coup-ci, seul Thylan se fait arrêter par un jeune homme d'environ 25 ans, grand, brun à l'air admiratif. Naël reste en retrait pour surveiller Lanna qui commence à avoir un sacré coup dans le nez avec les bières qu'elle a ingurgitées à chaque arrêt. Un oeil sur la jeune femme dansant sans se soucier du monde, et un oeil sur son compagnon. Un poids lui tombe dans l'estomac quand le garçon commence à être un peu trop tactile avec le chanteur. Une étreinte étouffante lui comprime le cœur sans qu'il ne sache d'où elle vient. Il ne peut s'empêcher de scruter les deux hommes qui discutent, sentant quelque chose lui échapper. C'est la première fois que Naël ressent cette boule dans son ventre. Une boule d'amertume et de contrariété. Une sensation étrange, nouvelle, qui lui donne envie de hurler. Un sentiment d'impuissance face à une situation qu'il ne supporte pas. Cette boule qui augmente quand le regard de Thylan revient vers lui alors que l'autre s'approche un peu plus de Thylan pour lui glisser quelque chose à l'oreille.

Il n'y a pourtant rien de grave.

Je ne devrais pas réagir comme ça.

Qu'est-ce qui lui prend de se laisser faire, de me regarder ainsi ?

À côté de lui, Lanna perçoit une lueur d'amertume voilant le regard du violoniste, elle est fugace mais la jeune femme la capte sans mal.

— Thylan ! gronde-t-elle. On avance ! J'veux pas danser sur ça.

Alors que le concerné s'excuse et dit au revoir, Lanna lance un clin d'œil à Naël qui finit par rougir. Heureusement pour lui, la nuit s'est bien installée et quand Thylan vient poser son bras sur ses épaules, il ne voit pas les joues à vif de Naël.

MelodyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant