Melody

31

Naël étudie l'affiche miniature collée dans la rame de métro. Bleue et blanche, constellée d'instruments de musique. Le pêle-mêle de guitare, violon, accordéon, tambour et mégaphone ne laisse pas grand place à l'imagination, mais quand son regard tombe sur l'inscription Paris By Night Music Festival, ses yeux s'écarquillent. Ils sont prêts. Enfin, c'est ce qui leur semble. De toute manière, Thylan et Naël n'ont pas le choix. C'est le 31 décembre, 17h26 et ils sont en direction du quartier République dans lequel se situe le restaurant où Lanna travaille. Dans un peu plus d'une heure, ils devront être en place, mais même dans le métro, les deux artistes peaufinent leur show.

— Tu es sûr que l'enchaînement est bon là ?

— Pour la millième fois Naël, tout est parfait. Nous avons bossé les enchaînements des dizaines de fois, et tout allait toujours bien. Détends-toi le temps qu'on arrive. Dès que tu auras ton violon en main, toutes tes appréhensions disparaîtront.

— Tu as probablement raison. Qu'est-ce qui fait que tu ne stresses pas toi ?

— Mon violon à moi, c'est toi. Je sais qu'on est prêts, on est fait pour ça. Tu vas tout déchirer. Alors pourquoi je ne serais pas rassuré ?

Sur le siège à côté de Thylan, Naël tire une mine déconfite et sent le sang quitter brusquement son visage. Il savait déjà que Thylan croyait en lui et en son talent mais là, Thylan montrait bien plus qu'une foi en leur musique, il exprimait une profonde et indéfectible estime de Naël au point qu'il en faisait son porte-bonheur.

En arrivant devant le restaurant, ils remarquent que la scène, que Thylan connaît par cœur, a été installée sur la terrasse. Des guirlandes ont été accrochées pour l'ambiance et entrelacées avec des branches de pins. L'odeur de Noël flotte dans l'air se mélangeant aux effluves du froid.

— Mon p'tit moineau et mon amour sont enfin arrivés ! s'écrit Lanna depuis son comptoir, comme à chaque fois.

Les quelques clients déjà présents, à l'apéro en prévision de la fête, ne se formalisent même pas de l'attitude de Lanna. Si ce sont des habitués, elle leur faire le coup souvent de la jeune femme extravertis.

— Patrick est dans son bureau mais je vais l'informer que vous êtes là. Commencez à vous installer.

— Vous avez un groupe ici ce soir mademoiselle ? demande un homme d'une trentaine d'années depuis un box.

— Tout à fait. Un duo au violon et à la voix que je vous recommande, clame-t-elle en lançant un clin d'œil aux garçons.

Naël attire Thylan vers l'extérieur, afin qu'ils s'installent, éludant la question de ce client et l'enthousiasme de Lanna. Il leur faut à peine dix minutes pour être en place, les voilà prêts à démarrer cette soirée bien particulière.

— Vous allez bien les garçons ? questionne le gérant du restaurant depuis l'entrée de la terrasse.

— Oui Monsieur.

— Pas de Monsieur, Naël, je te l'ai déjà dit. C'est Patrick ou Pat', sinon j'ai l'impression que mes petits-enfants m'appellent Monsieur.

— Vous ne pouvez pas être grand-père, soutient Naël avec la voix un peu naïve.

— Tu me plais bien toi ! Bon, les enfants vous avez scène libre pour ce soir. Je vous fais confiance. Ça va être une bonne soirée.

— Bien Patrick. On va assurer ne vous en faites pas, affirme Thylan, avant de se tourner vers Naël qui acquiesce d'un signe de tête.

Juste avant que Naël ne sorte le violon de son étui, une main énergique se pose sur son épaule. Lanna ne tient pas en place depuis le début de la semaine. Elle a envoyé des messages à Thylan toutes les heures quand il était chez ses parents pour Noël et toutes les 10 minutes cette après-midi pour que les garçons ne soient pas en retard. L'excitation de cette soirée n'est pas prête de redescendre puisqu'elle broierait presque l'épaule de Naël.