Melody

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Monsieur Cole,

Après délibération de votre dossier, malgré ses qualités indéniables et votre motivation, le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris est au regret de ne pouvoir accéder à votre demande.

La lettre se poursuit sur des formules de politesse, qui cachent des excuses peu sincères, que Naël n'écoute même pas. Le couperet vient de tomber. Thylan poursuit la lecture du courrier, la voix difficile, éteinte, mais Naël est sourd. Dès que le mot "malgré" a été prononcé, il savait. Personne ne dit jamais "malgré" dans un message positif. Autour de lui, plus rien n'existe.

C'est fini. Et Naël ne sait pas réagir.

Le présent est flou. L'avenir, un trou noir. Il ne sent plus ce qui se passe dans l'appartement, s'il est seul ou non, si on lui parle encore, s'il s'est levé ou est resté figé sous le coup de la nouvelle. Après tout, à quoi bon. Le sol s'ouvre sous ses pieds, engloutissant ses rêves et ses espoirs.

Il a échoué. Et des sentiments contraires se mêlent dans sa poitrine.

Après que son cœur se soit emballé, le voilà à l'arrêt. Coincé dans sa cage thoracique, il ne tient plus son rôle. Celui de pomper le sang dans l'ensemble de son corps, jusqu'à ses organes. Naël se sent défaillir. Son cerveau se met en off. Tout dysfonctionne. Alors son corps se met en pilote automatique. Il se relève, on le retient. Il se débat, on le supplie. Il hurle, on l'appelle au calme.

— Calme-toi Naël, tout n'est pas perdu. On va trouver une solution, tente Thylan accablé.

Naël répond quelque chose, mais il ignore quoi. Tout tourne autour de lui, comme si sa vie se faisait emporter par un vortex. Et à ce moment, même les mots de Thylan ne le retiennent pas à la surface. Il se tient la tête, espérant que cela apaise la tempête dans son esprit. Celle dont les vents violents emportent les années de lutte, les nuits dans la rue, les remises en questions, les choix difficiles. Désespéré, Thylan se tient là, sans savoir quoi dire ni quoi faire. Impuissant, il assiste à la détresse de Naël. Et le voit se briser sous ses yeux.

En entendant la voix alarmée de Thylan, les filles rejoignent le salon, de la mousse plein les cheveux. C'est alors qu'elles aperçoivent le violoniste s'enfuir en courant par la porte d'entrée, et son camarade le suivre, les larmes aux yeux, criant son nom.

— Qu'est-ce qui se passe ? s'enquit Emilie, inquiète.

— J'en sais rien, mais c'est pas normal.

— Tu penses qu'ils se sont disputés ?

— Non, non, je pense pas. Ça leur est déjà arrivé et... Naël est trop indifférent et flegmatique pour réagir comme ça. Il est plutôt du genre à garder ses émotions, et surtout sa colère et sa peur sous contrôle.

— Alors pourquoi il a réagi comme ça ?

Estomaquée, Lanna cherche une explication. C'est alors qu'elle voit la lettre par terre, et contre toute bienséance, la lit. Elle comprend tout, et en loupe une respiration. Tant bien que mal, elle explique la situation à Em', qui assimile comme elle peut.

Au bout de quelques minutes, Thylan revient, la mine bouleversée. En croisant le regard de sa meilleure amie, tout ce qu'il trouve à faire c'est de serrer les lèvres. Il est revenu seul. Silencieusement, il observe la pièce. Le violon repose contre l'accoudoir du canapé. Symbole d'un rêve disloqué, abandonné par son propriétaire, il n'a plus de raison d'être. Le sac de Naël reste également, oublié dans la panique, comme si ces objets ne représentaient rien. Pire que tout, Em' revient avec le petit cocker noir, encore trop jeune, dans les bras. Il cherche son maître, la langue pendante. Mais ne le trouve pas.