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Toute l'après-midi, Thylan n'a pas cessé de faire trembler sa jambe, jusqu'à en avoir la remarque lors de sa réunion. Celle-ci s'est éternisée comme il l'avait prévu, ou plutôt redouté. Et c'était sans compter sur quelques collègues qui lui ont demandé retours urgents et autres détails sur les projets en cours. Il est donc 18h30 passé quand il passe les portes de sa société. Plus d'une heure plus tard que ce qu'il souhaitait. Le voici donc à courir dans Paris pour rejoindre Naël au Panthéon.

Quand il arrive sur la place, le jeune homme retombe des semaines en arrière. Naël joue depuis un moment déjà et la foule autour de lui est assez dense, trop pour que Thylan se faufile sans déranger les gens. En reprenant son souffle, il contourne la foule, cherchant une faille, mais tout ce qu'il arrive à apercevoir est une touffe de cheveux blonds frappée par le soleil de l'après-midi. C'est alors qu'une main sortie de nulle part l'attrape pour le tirer à travers les gens, vers le devant du public.

— Lanna ?

— Je constate que Naël sait s'occuper en t'attendant. T'as vu ce monde ?

— Je ne crois pas l'avoir vu avec autant de succès.

— C'est parce que ça manière de jouer à changer.

— Tu racontes n'importe quoi, contre Thylan sans même réfléchir.
Pour lui, la musique de Naël est la même depuis le premier jour. Elle est aussi belle, mélancolique, puissante et vibrante. Elle lui donne toujours autant d'émotions. Sauf que c'est Lanna qui voit juste. Tout comme Naël lui-même, sa musique a évolué. Alors que les yeux de Thylan sont rivés vers son compagnon se donnant corps et âme pour son violon, ceux de Lanna bifurquent de son téléphone vers son ami. Quand elle le voit, figé à écouter, elle se rend compte que Thylan n'écoute pas la musique. Pas vraiment.

C'est comme de s'allonger en espérant plonger dans le silence, alors que ce que l'on écoute vraiment ce sont les sons ambiants : le vent, la vie au dehors, le bourdonnement d'un appareil, et que l'on se focalise dessus. Thylan, lui, se focalise sur des sons inconnus au commun des spectateurs, des sons que seul celui qui veut les entendre, perçoit.

— Tu filmes encore ? demande finalement Thylan.

— Toujours. Les souvenirs sont importants. D'ailleurs, vient voir ça.

Lanna filme chaque instant de sa vie, et aussi celle de ses amis. Depuis que Naël est entré dans leur quotidien, elle capte également les représentations des garçons et une grande partie de leur répétition. Elle abandonne sa vidéo un instant et embarque Thylan un peu plus loin, à l'écart. Dès le moment où la musique diminue aux oreilles de Thylan, une sensation étrange lui picote la peau, une gêne similaire à celle que l'on ressent quand le soleil disparaît après nous avoir réchauffé une journée de grand froid. Une sensation qui s'atténue quand il tourne la tête en direction de l'artiste.

— Regarde p'tit moineau !

Lanna lui donne une tape derrière la tête pour le ramener sur terre.

— Hey ! Qu'est-ce que c'est ?

— Votre première répétition.

Sur l'écran de son téléphone se joue la naissance du duo sur cette même place, quelques mois plus tôt. Lanna était venue après le boulot, comme aujourd'hui, et a conservé ce souvenir. Thylan lui ne se remémore pas ce moment dans les détails, et a oublié que Naël avait commencé par jouer seul ce jour-là, le temps que Thylan se familiarise avec son rythme et le timbre de son violon. Dès que ce dernier commence à chanter sur le film, Lanna coupe la vidéo et met celle qu'elle vient de tourner.

— Écoute.

C'est ce que le jeune homme fait, et c'est à cet instant qu'il comprend. Le gap est fou entre la première et la seconde vidéo. Le style de Naël est toujours le même, mais la complexité de sa musique se ressent dans chaque note. Avant, c'était brut, maintenant, c'est...

MelodyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant