11

2 1 0
                                    

C'est Lanna qui le réveille, sans délicatesse. En sortant de sa chambre à 9h43, prête à sauter dans la douche, elle n'aurait pas pensé retrouver son colocataire, profondément endormi, à moitié sur le canapé, à moitié dans le vide. Claquer la porte de sa chambre n'a pas l'effet escompté, puisque Thylan reste parfaitement immobile. En désespoir de cause, elle s'approche, et tire son pied, sans pour autant mettre beaucoup de force. Le jeune homme tombe lourdement du canapé, se réveillant en sursaut, et s'emmêlant dans la couverture à cause de l'agitation de ses bras.

— Debout feignasse ! hurle-t-elle pour le ramener à la réalité.

— Putain Lanna ! Qu'est-ce que tu fous ? réplique-t-il en sortant tant bien que mal de la couverture.

Les deux colocataires finissent par se confronter d'un regard noir. Cette scène, c'est presque leur quotidien. Les nuits difficiles et les réveils impossibles obligent souvent Lanna à s'occuper de son colocataire le matin. Les cauchemars et les rêves envahissants, les paralysie du sommeil, les hallucinations sont autant de difficultés qui empêchent Thylan d'avoir un sommeil réparateur. Les joies de la narcolepsie ! Si le commun des mortels pensent que les narcoleptiques passent leur temps à dormir, c'est surtout que leur sommeil est alambiqué et fragmenté. Thylan ne peut jamais profiter d'une nuit paisible et réparatrice, ou alors, c'est très rare. Résultat : il est épuisé et s'endort en pleine journée. Pire que ça, ses crises de cataplexie empirent pour lui faire vivre un vrai calvaire le laissant prisonnier de son corps et signifie que la maladie gagne du terrain après s'être stabilisée.

— J'pensais pas que tu dormirais encore à c't'heure-là, soupire-t-elle enfin, en se frottant la tête. Je croyais que tu avais un rendez-vous ?

— Pour tout te dire, je ne me souviens même pas du moment où je me suis endormi. Et je... Attends ! s'alarme-t-il. Quelle heure est-il ?

— Un peu moins de 10 heures.

— Merde ! Je suis en retard !

— Oui, j'avais remarqué. Et, hey ! Non !

Thylan s'est projeté en direction de la salle de bain à la seconde où son esprit est sorti du vague. Il a rendez-vous à dix heures avec Naël, sur le parvis du Panthéon, pour profiter de son jour de congé, et il est plus qu'en retard.

— Thylan ! Moi je vais être en retard au boulot ! Laisse-moi la place !

— Ce sera pas la première fois, hurle-t-il à travers la porte.

— Sérieux ! Ouvre-moi ! se plaint-elle en martelant la porte.

Celle-ci s'ouvre violemment, laissant apparaître un Thylan épuisé.

— Aller viens.

Ce n'est pas un problème pour eux. Une salle de bain pour deux colocataires, parfois, comme ce matin, cela crée un embouteillage, et aujourd'hui, ils ont tous les deux une très bonne raison pour vite se préparer et filer. Après des années d'amitié, et surtout zéro ambiguïté, ils peuvent bien partager.

Vingt minutes plus tard, tous les deux sont prêts à partir. Et alors que Thylan s'engouffre dans le couloir, sans même réfléchir, la voix de Lanna résonne en écho dans l'appartement :

— Thylan ! Tes cachets !

Mais il a déjà filer.

🎶

Naël attend sagement à la terrasse d'un café avec une vue parfaite sur le Panthéon et sa place.

Deux heures et dix-huit minutes, c'est son temps de retard. S'il avait un billet à chaque fois que le chanteur est en retard, il aurait de quoi se payer un bel appartement dans Paris à l'heure qu'il est. Mais étonnamment, Naël ne s'en formalise pas, après tout, même le plus parfait des collègues peut avoir un petit défaut tel que celui d'être – presque – toujours en retard. Mais s'il a quelque chose dont il est sûr à 100%, c'est qu'il viendra. Parce qu'à chaque fois, il est venu, parce que c'était son idée, parce que sa voix pétille de joie quand il lui dit "À demain.".

MelodyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant