SHADE OFF

Épilogue

Ase

Un bruit me réveille en sursaut. Je regarde si Layla l'a entendu aussi. Son souffle régulier me signale qu'elle dort encore. Je lui dépose un baiser sur la joue en m'extirpant des draps. Cette fille m'a ensorcelé bien plus que je ne veux l'admettre.

Nous sommes au beau milieu de la nuit, je me demande qui peut bien être debout à une heure pareille. Je descends à pas de loup dans mon salon. La porte d'entrée est grande ouverte et je vois Liam et Darwin charger un van. Mon cœur s'alourdit dans ma poitrine. Je trouve Rob debout devant l'entrée. Il a troqué son cure-dent au profit d'une clope.

Il est anxieux.

Il part en douce.

- Tu comptes encore partir sans me le dire ?

Mon frère relève la tête vers moi. Derrière lui, Cameron monte du côté conducteur. Avec lenteur, il allume sa clope et tire une taffe.

- Ce n'est pas contre toi, Ase...

Je secoue la tête avec déception. Il pourrait choisir de rester. Il pourrait diriger l'organisation avec moi. Nous n'aurions plus à être séparés. Les traits de sa mâchoire se tendent quand il lit l'espoir qui scintille dans mes yeux. Il tire une nouvelle taffe, libérant une fumée âcre.

- Pourquoi as-tu besoin de partir maintenant ? Tu pourrais rester avec nous. La maison est assez grande pour toi.

Il secoue la tête de gauche à droite. Mon estomac se noue. J'ai l'impression d'être un petit garçon capricieux.

- J'ai des missions à remplir. Je ne peux pas abandonner les gars juste parce que mon petit frère a sorti la tête du fond du gouffre.

Il marque une pause et se tourne vers les gars qui l'attendent dans la voiture.

- Ils ont besoin de moi.

Moi aussi, j'ai envie de répondre. Mon frère me manque. J'ai besoin de lui, peu importe le moment. Cette pensée est trop égoïste. Je sais qu'il a des obligations à remplir envers l'homme qui dirige leur équipe. Celui qui lui a appris à voler. À prendre sans rendre. À se volatiliser sans remords. Il est autant perdu que moi.

- J'espère que tu trouveras ce que tu cherches sur le chemin, je lui avoue en m'approchant de lui.

Avec son éternel sourire provocateur, il écrase sa cigarette sur le goudron.

- Je n'ai jamais été autant moi-même que ces dernières années.

- Quand tes sentiments parleront pour toi, tu verras ce que c'est d'être soi-même.

Il éclate de rire avant que j'achève ma phrase.

- Je ne suis pas un cœur tendre, petit frère. Tu devrais le savoir, je suis égoïste. Je pense avant tout à ma personne, mes intérêts. Les autres passent toujours après.

Son discours est en totale contradiction avec ses actes. Cette année, il m'a prouvé que ce n'était pas un égocentrique. Au contraire, il m'a soutenu, il m'a aidé.

- Tout ce que tu dis est faux...

- Parce que tu es mon frère. Quoi que j'en dise, je tiens à toi, mais l'amour...

Sa mine se tord de dégoût.

- La personne qui volera mon cœur n'existe pas.

- N'en sois pas aussi sûr.

Il me lance un regard éloquent afin de m'inciter à me taire. Avant qu'il ne parte, je lui fais une accolade.

- Reviens quand tu veux. Tu es chez toi, ici.

- Tu mérites d'être heureux, petit frère.

Je le relâche. Mon cœur pèse une tonne dans ma poitrine. Rob se dirige vers la voiture. Les gars me font un salut amical. Je suis heureux de le savoir si bien entouré.

- Où tu vas ?! je crie pendant qu'il ouvre la portière côté passager.

- On m'a dit qu'à New York, les banques sont de vraies mines d'or ! Il faut qu'on aille voir ça de plus près.

Je souris en entendant le moteur gronder. La voiture entreprend une marche arrière. Rob descend la vitre de sa fenêtre.

- Tu veux connaître la devise des voleurs, Asaël ?

Je fronce les sourcils d'incompréhension. La voiture commence à s'éloigner quand j'entends dans l'obscurité :

- Le trésor est à ceux qui osent le voler, petit frère !

Les phares disparaissent dans l'ombre de la nuit. Je suis reconnaissant que la vie m'accorde une seconde chance. J'espère qu'elle en fera autant avec Robin Doom. Il mérite de trouver celle qui volera son cœur. Je plains cette personne, parce que mon frère va chercher à se protéger.

Il vole.

Il ne rend jamais.

Son plaisir est d'afficher ses trophées.

Je retourne à l'intérieur pour me recoucher. Mes pensées sont dédiées à ses yeux bleus qui bercent mes nuits.

My shade.

Si d'aventure l'obscurité venait à nous encercler, je ne crains rien, car nous serons là, prêts à affronter les ombres ensemble.

Même dans mes heures les plus sombres, tu seras là pour me guider vers la lumière.

Je garde espoir. 

* * *  LIGHT HOPE  * * *