Les Jeux du Cœur

Chapitre 13

Les jours s'étaient écoulés avec une routine chargée de tensions sous-jacentes. Ce soir-là, la salle commune de l'internat était presque déserte, les autres élèves ayant quitté les lieux face à la montée de l'intensité entre Adrian et moi. Nous étions seuls, la pièce illuminée par une lumière tamisée qui semblait à peine adoucir le conflit en cours.

Je lançai d'une voix tremblante d'émotion :

_ Je ne comprends pas comment tu peux être aussi indifférent à la question de la philanthropie, Adrian ! Comment peux-tu croire que donner de l'argent à des œuvres caritatives est une simple dépense ?

Adrian, habituellement calme et mesuré, se redressa en face de moi, ses yeux lançant des éclairs de contrariété.

_ Lila, ce n'est pas une question d'indifférence. C'est une question d'efficacité. L'argent investi dans des œuvres de charité pourrait être utilisé de manière plus productive, à long terme. Nous devons penser aux impacts réels, pas juste aux gestes symboliques.

_ Effort symbolique ? Ma voix monta, trahissant ma frustration croissante. Tu parles comme si les besoins des gens étaient des chiffres dans un bilan financier ! Ne vois-tu pas que certaines choses transcendent le calcul économique ?

Adrian croisa les bras, son regard perçant amplifiant la tension déjà palpable.

_ Maximaliser les ressources ? C'est ce que tu prônes ? Mais derrière ces chiffres, il y a des vies, des ambitions ! Tu ne peux pas simplement ignorer le fait que les décisions basées uniquement sur la rentabilité peuvent laisser de côté les plus vulnérables !

Le ton d'Adrian se fit plus tranchant, mais il ne céda pas.

_ Et toi, Lucy ? Tu penses que la philanthropie est une question de sentimentalisme ? C'est un luxe que nous ne pouvons pas toujours nous permettre. Nous devons aussi être pragmatiques.

Ses mots résonnaient comme un défi direct à mes valeurs. Chaque argument qu'il formulait semblait renforcer le fossé entre nous. Je me sentais incomprise, mes convictions mises à mal par sa logique implacable.

_ Peut-être que tu as raison sur le plan pratique, mais il y a quelque chose de fondamentalement déshumanisant dans cette approche, murmurai-je, le ton plus bas, presque désespéré. Ce n'est pas juste une question de chiffres ou de rendements. C'est une question de principes !

Le silence qui suivit était lourd et chargé de non-dits. Je sentais la tension nous isoler de plus en plus, malgré notre échange animé. Mes émotions se bousculaient alors que je réalisais à quel point nos perspectives étaient profondément divergentes.

Adrian, de son côté, semblait aussi éprouvé par notre dispute. Il prit un moment pour respirer profondément, ses yeux se posant sur moi avec une intensité nouvelle.

_ Peut-être qu'on se heurte à un mur parce que nous avons des points de vue tellement différents, commença-t-il, sa voix maintenant plus mesurée mais toujours aussi ferme. Je comprends que tu aies des principes et des convictions fortes, Lila. Mais il y a des réalités que tu sembles parfois vouloir ignorer.

Je sentais la frustration bouillir à nouveau en moi, mais je tentais de garder mon calme. 

_ Peut-être, mais les principes sont ce qui nous guide, non ? Ils nous rappellent pourquoi nous faisons ce que nous faisons, même face à des obstacles.

Adrian haussa un sourcil, une lueur de défi dans les yeux. 

_ Et les réalités sont ce qui nous empêche de vivre dans un monde de rêves. Nous devons naviguer entre les deux, trouver un équilibre. Je ne suis pas en train de dire que tu n'as pas raison, mais que la situation est plus complexe.