Chapitre 23

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Les jours et mois s'étaient enchaînés trop rapidement jusqu'à cette journée fatidique.

La journée avait commencé comme toutes les autres à l'internat, rythmée par la routine quotidienne. Le réveil avait sonné bien trop tôt à mon goût, et je m'étais réveillée en entendant Sarah, ma colocataire, déjà debout et en train de fouiller tranquillement dans ses affaires. Elle avait ce don d'être toujours parfaitement organisée dès le matin, alors que de mon côté, j'émergeais difficilement, les cheveux en bataille et les yeux à moitié ouverts.

Je traînai quelques minutes de plus sous les draps avant de me lever enfin, résignée à affronter une nouvelle journée. Le petit-déjeuner à la cafétéria avait été, comme d'habitude, animé par les discussions incessantes des élèves. Les murmures excités sur l'examen de maths prévu dans la matinée circulaient autour de moi, et même si je n'en laissais rien paraître, je sentais l'angoisse monter en moi. Sarah, elle, semblait totalement détendue, grignotant ses tartines tout en discutant avec Emilie et Léa des dernières nouvelles du campus.

Avant de rentrer en classe pour le début du premier cours de la journée, je croise David dans le couloir. Il m'adresse un sourire encourageant, me lançant un petit signe de la main. Nous avons révisé ensemble ces dernières semaines, et sa présence amicale est un vrai réconfort.

_ Alors, prête pour l'examen de tout à l'heure ? me demande-t-il en ajustant son sac sur son épaule.

_ J'espère, réponds-je en essayant de sourire. On a révisé autant qu'on pouvait, maintenant il ne reste plus qu'à se lancer.

_ Tu vas assurer, je n'en doute pas, dit-il avec un clin d'œil. On a bien bossé, ça va payer.

Ses mots me donnent un petit coup de boost. Je hoche la tête en signe de gratitude avant de me diriger vers la salle de classe. David me souhaite bonne chance, et je l'entends murmurer un "Tu peux le faire" alors que je m'engage dans la pièce. 

Les premiers cours de la journée avaient défilé sans grand intérêt. Français, histoire... tout cela m'était passé au-dessus de la tête, mon esprit totalement occupé par les chiffres et les équations qui allaient bientôt s'étaler devant moi. Le moment tant redouté arriva finalement.

La salle d'examen était plongée dans un silence pesant, seulement interrompu par les grattements des stylos sur les feuilles. Mais, à ma grande surprise, l'épreuve s'était révélée moins terrible que je l'avais imaginée. J'avais réussi à rester concentrée, et à la fin, je sentais une grande vague de soulagement.

_ Alors, comment tu l'as trouvé ? m'avait-elle demandé, un sourire tranquille aux lèvres.

_ Pas si horrible, répondis-je en haussant les épaules, tout en m'étirant pour détendre mes muscles endoloris.

Les cours de l'après-midi s'étaient enchaînés sans encombre. Entre la biologie et l'anglais, l'atmosphère était bien plus détendue. Je sentais enfin la pression retomber, et tout me paraissait plus léger. À la fin des cours, je m'étais sentie encore un peu tendue malgré tout. L'énergie nerveuse accumulée pendant la journée avait besoin d'être évacuée.

C'est pour ça que j'avais pris une décision qui me paraissait évidente à ce moment-là.

_ Je vais faire un peu de sport, lançai-je à Sarah alors que nous rentrions dans notre chambre.

Elle me lança un regard amusé, déjà installée confortablement sur son lit avec un livre en main.

_ T'as encore de l'énergie après cette journée ? demanda-t-elle en souriant.

_ J'ai besoin de me défouler, dis-je en attrapant ma serviette et mon sac de sport. Sinon, je ne vais jamais réussir à me détendre ce soir.

_ Bonne chance, me dit-elle en rigolant. Moi, je vais bouquiner.

Je sortis de la chambre, résolue à évacuer la tension accumulée. Le gymnase, souvent désert à cette heure-là, était l'endroit idéal pour me dépenser après une longue journée d'examens. Rien de tel qu'une bonne séance de sport pour remettre de l'ordre dans mes pensées.

La salle de sport était calme, et le silence ambiant contrastait avec l'agitation de la journée. Après l'entraînement, je pris mon temps sous la douche, savourant la chaleur apaisante sur mes muscles fatigués. Je pensais pouvoir profiter pleinement de ce moment de tranquillité dans les vestiaires. Enroulée dans une serviette, les cheveux encore mouillés, je sortis des douches en cherchant distraitement mon casier.

Je sortais du vestiaire, cherchant mon casier, quand je l'ai vu.

Adrian, torse nu.

Il se tenait là, juste à quelques pas, sortant lui aussi des douches, ses cheveux encore mouillés et dégoulinants sur sa peau. Mon cœur a raté un battement. Je n'étais plus seule.

Nos regards se sont croisés, et pendant un bref instant, le temps semblait suspendu. Il n'y avait que lui et moi, dans cette bulle étrange où tout autour s'effaçait. Une tension inattendue s'installait entre nous, palpable, comme un courant silencieux. Adrian attrapa un t-shirt posé sur le banc à côté de lui, mais il ne semblait pas pressé de le mettre.

_ Oh... je pensais être seul, dit-il doucement, avec cette assurance tranquille qui le caractérisait.

Un léger sourire nerveux effleura mes lèvres, mais je sentais l'embarras monter en moi.

_ Moi aussi..., murmurai-je, mes joues s'embrasant malgré moi.

Il bougea à peine, mais son regard... Son regard glissa lentement, avec une attention inhabituelle. Il parcourut mon corps, descenda le long de mes épaules, s'attarda un instant sur ma cuisse, juste là où ma cicatrice apparaissait sous le bord de ma serviette. Mon cœur battait si fort que je craignais qu'il l'entende. Il n'y avait aucune indécence dans ce regard, pourtant il me troublait profondément, comme s'il voyait au-delà de ce que j'exposais. Comme s'il comprenait quelque chose en moi que moi-même j'ignorais encore.

Ce n'était qu'une fraction de seconde, mais ce silence entre nous était plus lourd que n'importe quel mot. Adrian finit par relever les yeux, croisant à nouveau les miens. Cette intensité... C'était comme s'il y avait quelque chose de plus, un lien, une connexion qui venait de se tisser, sans qu'aucun de nous ne sache exactement pourquoi.

Puis, son regard est remonté, toujours avec cette lenteur troublante, et il a retrouvé mes yeux. Il n'a rien dit, aucune allusion à ce qu'il avait vu, aucun commentaire déplacé. Juste ce regard, plus intense que d'habitude, comme s'il avait perçu quelque chose qu'il ne devrait pas savoir.

_ Bon... je te laisse, murmura-t-il en attrapant son sac, un sourire à peine perceptible au coin des lèvres, comme s'il était déjà parti ailleurs dans ses pensées.

J'hochai la tête, incapable de dire quoi que ce soit, encore figée dans ce moment suspendu. Il quitta la pièce, mais je restai là, immobile, mon cœur battant trop fort, mes pensées embrouillées.

Qu'avait-il vu ? Qu'avait-il compris dans ce bref échange, sans un mot de trop ?

Je ne savais pas. Mais je sentais que quelque chose, imperceptible, venait de changer.

Les Jeux du CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant