Les Jeux du Cœur

Chapitre 1

Les heures passaient, rythmées par le défilement incessant des arbres. Cela faisait maintenant quatre heures que nous roulions à travers des paysages monotones, sans autre vue que celle de la forêt. Mon impatience grandissait à chaque minute.

_ Combien de temps encore avant d'arriver ? demandais-je, la frustration palpable dans ma voix.

Ma mère, visiblement agacée, me répondit sur un ton brusque :

_ Lila, c'est la quatrième fois en dix minutes que tu poses la même question. Nous y serons bientôt.

Je me demandais pourquoi ils avaient choisi de m'envoyer dans un internat aussi éloigné. Pourquoi ne pas m'envoyer dans un établissement plus proche de la ville ? Non, il fallait qu'ils me placent dans cet endroit isolé. Quel paradoxe, alors qu'ils avaient soudainement accumulé une fortune considérable et semblaient avoir oublié de tenir compte de mes désirs.

Pour couronner le tout, je commençais l'année avec une semaine de retard à cause de leur dernière vacance. Il semblait qu'ils m'avaient oubliée, absorbés dans leur nouvelle vie.

La façade rebelle que j'avais adoptée était devenue une façade fragile pour masquer une peur réelle. Malgré les tensions et les disputes, mes parents avaient toujours été mon ancrage. Mais montrer ma vulnérabilité maintenant, alors qu'ils croyaient agir pour le mieux, était impensable.

Lorsque la voiture s'immobilisa enfin devant une imposante porte en bois, je levai les yeux vers cette bâtisse impressionnante. L'internat ressemblait plus à une forteresse gothique qu'à une école, avec ses tourelles pointues et ses murs en pierre sombre couverts de lierre. La porte massive, en bois noirci et renforcée de ferrures en fer forgé, paraissait presque mythique. Tout, du grincement des gonds à la texture rugueuse des murs, semblait chargé d'une aura mystérieuse. Je frissonnai en imaginant ce qui se cachait derrière.

La porte s'ouvrit soudainement avec un craquement sinistre, laissant apparaître une femme qui avançait d'un pas ferme vers nous. Grande et mince, elle était vêtue d'une robe noire élégante, son visage sévère et anguleux encadré par un chignon impeccable. Ses yeux perçants et glacés semblaient déchiffrer chaque pensée cachée.

Chaque pas qu'elle faisait résonnait sur le pavé, renforçant l'impression d'une présence intimidante. Elle s'arrêta devant nous, nous surplombant de toute sa hauteur.

_ Bienvenue à l'Académie Blackwood, dit-elle d'un ton glacé. Veuillez me suivre.

Mes parents et moi échangeâmes un regard, puis nous suivîmes Mme Hawthorne à l'intérieur.

En contraste avec l'austérité extérieur, l'intérieur de l'Académie Blackwood était un modèle de luxe et d'élégance. Les murs ornés de boiseries raffinées, les sols en marbre scintillant, et les lustres en cristal projetaient une lumière douce et chaleureuse. Les tapisseries élégantes et les tableaux de maîtres conféraient à l'endroit une atmosphère riche et accueillante.

En franchissant le seuil, un mélange d'émotions contradictoires m'envahit. D'un côté, la grandeur des lieux soulignait combien j'étais éloignée de mon environnement habituel. Chaque détail, chaque ornement était une déclaration de richesse et de privilège, me plongeant dans une forme de vertige. En même temps, la chaleur et l'élégance des lieux offraient un refuge inattendu, comme un havre doré cachant des angoisses similaires aux miennes. Je me sentais à la fois insignifiante et importante, anxieuse mais curieuse de ce que cet endroit avait à offrir.

_ Vous pouvez nous accompagner jusqu'à la chambre de Lila, n'est-ce pas ? demanda ma mère, tentant de dissimuler son anxiété derrière un sourire forcé.

Mme Hawthorne s'arrêta brusquement et se tourna vers mes parents avec une froideur calculée.

_ Je suis désolée, mais seuls les élèves sont autorisés au-delà de cette salle d'inscription. Les règles sont strictes et doivent être respectées.

_ Mais... commença mon père, visiblement déconcerté.