L'Ombre du Mensonge(TOME 1)

chapitre 5

Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsque le père de Rokhya, accompagné des anciens et des imams du quartier, se prépara à se rendre au domicile des Bah. Convaincu que la paix devait être restaurée entre sa fille et Amadou, il espérait que cette rencontre permettrait de réconcilier les deux familles, et plus encore, de réparer le lien brisé entre les époux. Malgré la douleur qui pesait sur son cœur, il restait fidèle à ses principes et croyait que la tradition, renforcée par la sagesse des anciens et les enseignements de l'islam, réussirait à apaiser cette situation tendue.

Hadim venait également d'arriver à Dakar, alerté par l'appel de sa femme Émilie. Bien qu'il eût pris ses distances avec les affaires familiales, l'idée que son jeune frère ait pu détruire un mariage aussi important le bouleversait. Il se tenait devant la porte du salon des Bah, prêt à participer à cette réunion cruciale. Sa présence apportait une certaine gravité à la situation, car Hadim était respecté pour son impartialité et son dévouement à la justice.

Lorsque le cortège des imams et des anciens entra dans la cour des Bah, il fut accueilli par Idrissa, le patriarche de la famille. Avec un sourire aimable, mais fatigué, il leur serra la main et les fit entrer dans le grand salon, où chacun prit place en silence. L'atmosphère était lourde de tension, mais aussi d'espoir.

Amadou, quant à lui, restait silencieux, assis à l'extrémité de la pièce, l'air pensif et troublé. Il savait que ses actions avaient des répercussions bien plus graves qu'il ne l'avait anticipé. Sa mère, Aïcha, trônait à côté de lui, le visage fermé. Elle n'avait jamais été en faveur de Rokhya et elle voyait cette réunion comme une menace pour son plan de voir Amadou épouser sa nouvelle "unique" femme, Fatima. Ses yeux s'étrécirent à la vue des imams.

L'un des imams, un homme âgé au visage serein, prit la parole en premier. Il se racla la gorge avant de parler, sa voix douce mais ferme portant dans toute la pièce.

— "Nous sommes ici aujourd'hui pour rétablir l'ordre et la paix dans cette maison," dit-il, regardant tour à tour Amadou et son père Idrissa. "Le mariage est un engagement sacré, et selon notre religion, avant qu'un divorce ne soit prononcé, il y a une période d'attente nécessaire. Cette période de réflexion permet aux deux époux de tenter de se réconcilier, de trouver un terrain d'entente avant de prendre une décision définitive."

Il y eut un murmure d'approbation parmi les anciens, et Hadim hocha la tête en signe d'accord. Amadou restait impassible, mais Aïcha ne put retenir son mécontentement.

— "Avec tout le respect que je vous dois," intervint-elle d'une voix dure, "Rokhya n'a jamais été une bonne épouse pour mon fils. Elle n'a fait que causer des problèmes depuis le début, et Amadou a parfaitement le droit de refaire sa vie avec quelqu'un qui le respecte réellement."

Le silence tomba brusquement sur la pièce. Les anciens échangèrent des regards discrets, pesant les paroles d'Aïcha. Le père de Rokhya, jusqu'alors silencieux, prit la parole, sa voix grave brisant le calme.

— "Avec tout le respect que je vous dois, Aïcha," dit-il d'un ton ferme mais respectueux, "Rokhya est ma fille. Et je peux vous assurer qu'elle a fait de son mieux pour être une épouse dévouée. Ce n'est pas une question de respect, mais d'amour et de compréhension mutuelle. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, pour réparer ce qui peut l'être."

Hadim, jusque-là silencieux, prit une profonde inspiration avant de se lever. Son regard croisa celui de son frère Amadou, qui baissa rapidement les yeux.

— "Amadou," dit-il doucement, mais avec autorité, "tu sais aussi bien que moi que ce n'est pas comme ça que les choses se passent. Tu n'as pas respecté Rokhya. Tu ne l'as pas respectée en tant que femme, ni en tant que mère de ton fils. Et tu sais que cela ne peut pas être balayé sous le tapis. La religion nous enseigne la patience et la réconciliation avant toute autre chose."