chapitre 7

127 14 3
                                    

**PDV Rokhya :**

Après l'incident de la veille, je ne m'attendais pas à ce que la situation s'améliore. Le patriarche des Bah, Idrissa, avait insisté pour m'accompagner au marché de Liberté 6 Extension. Son silence pesait, mais je savais qu'il m'observait, qu'il évaluait peut-être encore si j'étais à la hauteur de ses attentes.

Nous marchions côte à côte, les rues animées de Dakar bourdonnaient autour de nous, mais nous étions dans notre propre bulle de tension non dite. Je savais que chaque geste, chaque mot serait interprété par lui, pesé, et mesuré. Alors, je faisais de mon mieux pour rester droite, garder la tête haute. Idrissa insistait pour porter certains sacs, malgré mes tentatives pour les prendre. Je tentais de l’arrêter :

— **« Baay, nga wara nangu ma indi sa doole. Dina ma def ! »** 
(« Père, vous devez me laisser faire. Je vais m'en occuper ! »)

Mais il secouait la tête avec un sourire en coin :

— **« Déedeet, sa baba ci neen moom, kenn du koo moom ci mbëgg, ci njàq. »** 
(« Non, si ton père ici t'aime, il ne te laissera pas tout faire seule, il doit aussi aider. »)

Sa réponse me laissa sans voix. Le patriarche des Bah, cet homme si sévère et inflexible, montrait une facette de lui que je n’avais jamais vue auparavant. Peut-être était-ce le fait de m’avoir vu résister et me battre pour mon mariage qui l'avait fait changer d'avis sur moi. Peut-être.

De retour à la maison, la tension monta rapidement. À peine avais-je franchi le seuil de la porte que ma belle-mère, avec son regard fulgurant, se précipita vers moi. Avant même que je puisse déposer les sacs, je sentis sa main s’abattre sur ma joue avec une violence qui me laissa étourdie.

— **« Yow neexaale tuuti sax! Ndax yaa nga am xel bu baax? Dangay wax ni nanga man doxal sama jëkkër ndax kenn du ko def! »** 
(« Toi, l'insolente ! Est-ce que tu as du bon sens ? Comment oses-tu laisser mon mari porter les sacs ? Personne ne fait ça ! »)

Je portai ma main à ma joue, surprise, les larmes me montaient aux yeux, mais je me retenais de pleurer devant elle. J'étais épuisée, physiquement et émotionnellement, mais je ne pouvais pas montrer de faiblesse. La mère d’Amadou continuait de me réprimander avec des mots qui me perçaient le cœur.

— **« Tu n’es qu’une incapable ! Je savais que tu n'étais pas faite pour notre famille ! Et maintenant, tu fais porter des sacs à un homme de son rang ! Tu ne vaux rien, Rokhya. Rien ! »**

Je voulais parler, me défendre, mais je savais que tout ce que je pourrais dire ne ferait qu’empirer la situation. Sa mère était soutenue par ses propres parents, qui se joignaient à elle dans ses reproches.

— **« Am naa wax, du fi sax rek, waa këri ji ñu lay daggo. Dangay seey yi muy def rek mooy. »** 
(« Je l’ai toujours dit, elle ne fera jamais partie de cette famille. Tout ce qu'elle sait faire, c'est séduire, pas être une vraie épouse. »)

Leurs paroles me transperçaient. J'avais tout donné pour ce mariage, et pourtant, rien ne semblait suffire. Alors que la scène devenait insoutenable, Idrissa, qui était resté silencieux jusqu’à présent, se mit en colère. Sa voix grave résonna dans toute la maison, imposant un silence immédiat :

— **« Amoon na bës bu weesu, waaye léegi dinaa wax benn gëstu gu mat! Dama waxoon naxtu ci sa kanam Rokhya, waaye ma ngi la jàpp ci sa wéy. Moo nu leen di indi ba fi, ba fàww ngeen déglu! Kenn ci yii du laa dàqe, dof kat yi! »** 
(« Il y a eu un temps où je doutais de toi, Rokhya, mais aujourd’hui je te soutiens. Je suis celui qui a porté les sacs, et cela, personne ne peut te le reprocher ! »)

Le silence s'installa soudainement. Tous les yeux étaient rivés sur Idrissa, choqués par sa prise de position. Il se tourna vers moi et, pour la première fois depuis que je faisais partie de cette famille, je vis dans ses yeux une forme de respect, voire d’admiration.

L'Ombre du Mensonge(TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant