Lorsque tous furent de retour dans la salle de réunion après leur moment de recueillement, Oumar, le grand frère de Rokhya, se leva pour prendre la parole. Sa voix résonna avec fermeté, mais aussi avec une certaine mélancolie.
— « Je tiens à remercier Baba Idrissa pour sa franchise et sa sagesse. La vérité a été dite aujourd'hui, et je l'apprécie. Mais il est important de revenir sur quelques points. »
Il se tourna vers Rokhya, puis regarda l’assemblée.
— « Rokhya aimait sincèrement Amadou, et c’est cet amour qui l’a menée à ce mariage. Pourtant, moi et mes parents n'avons jamais approuvé cette union. Nous savions que la famille Bah, malgré tout le respect que nous leur portons, est profondément conservatrice, ancrée dans des traditions parfois rigides. Nous avons averti Rokhya. Mon père lui a dit de bien réfléchir, et ma mère aussi. Mais Rokhya était trop jeune, aveuglée par l’amour, et elle a foncé tête baissée. Elle avait 18 ans quand elle s’est mariée à un homme de 24 ans. »
Le regard d’Oumar s’adoucit en évoquant le passé de sa sœur.
— « Aujourd'hui, Rokhya a 22 ans et Amadou 28. Quatre ans de mariage. Quatre ans de souffrance, d'humiliation, de torture émotionnelle. Je sais que Rokhya refuse toute compensation financière, mais il est de notre devoir, et du devoir des Bah, de lui offrir une maison dans un bon quartier. C’est le strict minimum après tout ce qu’elle a traversé. De plus, une somme d'argent régulière devra être versée pour l'aider à se reconstruire, et surtout pour subvenir aux besoins de son fils, Ibrahim. »
Un murmure d'approbation parcourut l'assemblée. Baba Idrissa hocha la tête en signe de respect pour les paroles d’Oumar. Les guides religieux, présents pour encadrer cette réunion, prirent alors la parole.
— « Amadou et Rokhya, vous avez tous deux partagé vos ressentis. La décision finale est maintenant entre vos mains. Nous avons donné un ultimatum de quatre mois pour que vous réfléchissiez à votre avenir ensemble. Amadou, Rokhya, nous vous demandons une dernière fois : souhaitez-vous rester ensemble ou divorcer ? »
Amadou prit la parole sans hésitation, sa voix claire et déterminée.
— « Oui, je souhaite divorcer. »
Tous les regards se tournèrent alors vers Rokhya. Elle, en revanche, resta silencieuse quelques instants, ses yeux remplis d'émotions refoulées. Elle prit une profonde inspiration, ses mains tremblant légèrement. Finalement, après une longue pause, elle prononça doucement :
— « Oui, je veux divorcer. »
Les imams échangèrent un regard avant de commencer la récitation de versets du Coran, entonnant des prières et des proverbes qui soulignaient la sagesse et la miséricorde dans toute situation. La salle, habitée par une atmosphère solennelle, écouta attentivement. Après cela, l’imam s’adressa de nouveau aux deux époux.
— « Amadou, Rokhya, il est temps de confirmer votre décision. Désirez-vous divorcer ? »
Cette fois, sans la moindre hésitation, les deux répondirent à l’unisson :
— « Oui. »
Le silence qui suivit fut pesant. L’un des aînés proclama alors officiellement :
— « Nous déclarons le divorce définitif entre Amadou et Rokhya. Que Dieu les guide tous deux dans la suite de leur vie. Et que ce qui vous lie encore, c'est votre fils Ibrahim, cet enfant de trois ans qui mérite d’être élevé avec amour et bienveillance. Que la paix règne entre les Bah et les Diabagate, et que les rancœurs s’apaisent. »
Les anciens et guides religieux prononcèrent quelques bénédictions supplémentaires, avant que l'assemblée ne se lève pour se disperser. Les Bah, visiblement soulagés pour certains, attristés pour d’autres, saluèrent les Diabagate. La fin d’une union ne marquait pas la fin des relations entre les familles, mais il était clair que la fracture était profonde.
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L'Ombre du Mensonge(TOME 1)
General FictionRokhiya, une jeune avocate brillante et indépendante, est mariée à Amadou, issu d'une famille malienne très aisée et conservatrice. La famille d'Amadou, surtout sa mère Aïcha, voit d'un mauvais œil l'arrivée de Rokhiya, une Ivoiro-Sénégalaise issue...