Chapitre 19

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Je n'ai même pas tenu une journée. Entre ce que j'ai fait à Henry et les paroles incessantes de mes parents, j'ai fini par craquer. J'ai refait ma valise et j'ai fui. Encore.

Je regarde la petite bâtisse grise et sale en face de moi. Depuis qu'il n'est plus là, il n'y a personne pour prendre soin du devant. Je me promets intérieurement de m'en occuper. Je rentre dans le petit jardin et me pose devant la porte, avant de toquer. Derrière le verre de la porte, je la vois arrivé, sa canne en main. Quand elle ouvre la porte et qu'elle me voit, son visage s'illumine.

- Walter ! Que fais-tu ici ?

- Bonsoir mamie. Je... Je suis venu te voir, voir comment tu allais.

Elle me sourit et remarque la valise derrière moi.

- Tes parents ne sont pas au courant, dis moi ?

Elle sait, elle me connait. Avant d'entrer à Hillerska, c'était mon échappatoire. Depuis mon plus jeune âge, je connais le chemin par cœur pour venir ici. Mes grands parents sont les seuls en qui j'ai confiance et, désormais, il ne reste plus qu'elle. Je pourrais penser à autre chose et elle aura un peu de compagnie.

- ça ne t'embête pas si je reste ?

- Bien sûr que non, mon grand ! Rentre, tu dois avoir froid.

Je rentre donc et elle ferme derrière moi. J'enlève mes chaussures et mon manteau puis vais avec elle dans le salon, abandonnant ma valise dans l'entrée. Pendant qu'elle est partie chercher de quoi manger, je regarde les photos sur la cheminée. Mon grand père et moi enfant.

- Je ne t'ai pas vu à l'enterrement, me dit ma grand mère en revenant avec un plateau.

Je vais l'aider à tout poser, voyant qu'elle n'est pas très à l'aise avec ses jambes et son dos.

- J'ai été au courant de sa mort en voyant une story Instagram d'une cousine, je lui explique. Mes parents ne m'avaient rien dit.

Elle souffle, pas très en accord avec ce que fait son beau-fils, mon père. Mais elle n'a jamais eu son mot à dire, n'étant pas la vraie mère de mon père et étant arriver pendant son adolescence. Mon père n'a jamais voulu la considéré comme quelqu'un de la famille, tout comme ses frères et sœurs. Dans notre famille, il n'y a que moi qui l'apprécie vraiment. Elle n'a peut être pas de lien de sang avec moi, mais je la considère comme ma grand-mère. C'est une des personnes qui me comprend le mieux.

- Je comprends mieux pourquoi tu n'étais pas là, elle me dit. Il aurait aimé que tu y sois, pourtant. Mais je penses qu'il le sait et ne t'en veut pas.

- Je l'espère. 

Je bois un peu du thé qu'elle m'a apporté, essayant d'oublier la soudaine tristesse qui m'envahit.

- Je penses profiter du fait que je suis ici pour aller le voir.

Elle me sourit, heureuse que je le fasse. Ils sont les seuls à m'avoir réellement soutenu après mon coming out, alors je dois bien ça à mon grand père. Dans ma famille, tout est inversé. Les grands parents sont plus ouverts d'esprit que les parents. 

- Alors, comment c'est l'école ? 

- ça va. Hillerska est un bon endroit. J'ai un bon groupe d'ami.

- Et un petit ami ?

Mes joues virent au rose, gêné. Je savais qu'elle allait le demander...

- Je... C'est compliqué entre lui et moi, en ce moment.

- Mais tu l'aimes ?

- Oui.

- Et il t'aime ?

- Je... Je crois.

- Comment ça ? Raconte moi. 

Je lui raconte tout. Lola, Elin, sa sexualité incertaine. Elle ne me coupe pas, bien trop heureuse qu'une personne dans la famille se confie à elle. Et je lui en suis reconnaissant. Elle sait bien écouter, et c'est une des raisons de pourquoi je l'aime tant.

- D'après ce que tu m'as dit, ça a l'air d'être un bon garçon qui tient à toi, elle me dit une fois que j'ai terminé. Mais tu l'as dit toi même, il a besoin de temps. Mais il t'aime. ça, je n'en ai aucun doute. Tes parents, eux, ne doivent pas être content.

- Ils veulent que j'aille voir un psy.

- Vraiment ?! Olala, Filip, qu'est-ce que fait ton fils. 

Le fait qu'elle se mette à parler à mon grand-père me fait légèrement frissonner. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle fasse ça. Puis, soudain, elle se lève et récupère sa canne avant de partir vers l'escalier.

- Tu vas où ? Je lui demande.

- Préparer ton lit.

- Je m'en occuperais, ne t'en fais pas.

- Non ! Tu es mon invité, je ne vais pas te faire faire ton lit.

- J'insiste, je m'en occuperais.

Elle finit par céder et revient s'asseoir en face de moi.

~~~

Minuit. Je suis couché dans le lit chez ma grand-mère, elle aussi couché dans son lit dans sa chambre. Je récupère enfin mon téléphone, que j'avais laissé de côté pour les retrouvailles, et remarque les messages manqués. Henry.

Henry : Putain. J'avais jamais remarqué comment juste 1 journée sans toi c'est long.

Henry : Tu me manques.

Henry : T'es en boucle dans ma tête. Qu'est-ce que tu as foutu pour que ça fasse ça ?

Henry : ça a jamais été comme ça avec n'importe quelle meuf. T'es magicien ou quoi ?

Henry : Je vais viré Lola à coup de pied au cul (ou pas. Elle pourrait prendre ça comme un signe. Je trouverais une autre manière mais, là, c'est l'expression). Les prochaines vacances, je veux les passer avec toi. Tu me manques trop, bordel.

Et, mine de rien, je suis quand même bien content de ne pas quitter son esprit. Même si il ne quitte pas le mien aussi...

I don't wanna be your best friends (Walty story)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant