Là Où Tout à Commencé

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TYLER, Sacramento Été 2004

Chaque été, c'était la même histoire. Depuis tout petit, ma mère me conduisait chez mes grands- parents, à bord de sa Chevrolet Caprice de 95, année de ma naissance et unique cadeau que mon père ait bien voulu lui faire, ma venue au monde devenant imminente, il lui fallait une voiture.

En tout cas, chaque été, je montais à l'arrière en traînant les pieds et triste comme les pierres, pendant les quatre cent quarante kilomètres qui séparaient les environs de Medford à Sacramento.

Non pas que je ne les aimais pas, au contraire mais à Sacramento, le temps semblait s'étirer. Le silence de la rue et la chaleur étouffante me plongeaient dans un ennui sans fin, sans amis ni distractions.

Tout ce que j'aurais voulu, c'était rester avec ma mère. Cette jolie brune menue, toujours habillée avec goût malgré ses faibles moyens et arborant la plupart du temps, un sourire chatoyant.
Une mère pas comme les autres avec qui j'aimais passer du temps. Elle dansait, jouait en riant aux éclats avec moi et même fatiguée, elle se concentrait exclusivement sur mon éducation. Toujours présente, elle est devenue ma plus grande confidente avec les années. Elle n'était jamais trop occupée pour s'intéresser à moi ou à mes passions. Ma plus grande héroïne restera toujours ma mère.

Et puis il y avait ce crétin outrecuidant que je devais appeler "papa" et qui ne savait que gueuler ou critiquer à outrance les moindres faits et gestes de celle qu'il appelait pourtant sa femme.
Jamais rien, pour lui, n'était assez satisfaisant. Elle faisait de son mieux, seulement, cet éternel insatisfait la rabaissait pour tout et n'importe quoi. Je le haïssais dans ces moments-là, parce qu'il la faisait inévitablement pleurer, lui ôtant toute confiance en elle. Et c'est dans ces moments-là, que je lui faisais un câlin qui comme par magie, faisait renaître son sourire.

- Erin, mia bella ,tu ne restes pas ?

À peine descendu de la voiture, on entendait chanter l'accent Sicilien de ma grand-mère qui, systématiquement, m' écrasait sur le nez ces horribles lunettes de soleil tout en me vissant une casquette sur la tête avant de m'embrasser d'un bisou claquant. Ce qui m'énervait car je détestais ces saletés de lunettes que je retirais à la moindre occasion.

- Non, je dépose Tyler et je repars, je travaille demain, mamma.

- Pourquoi tu travailles autant enfin ? Que fait ce qui te sert di marito ?

- Arrête, je n' veux pas en parler devant Ty, tu l' sais. En fait, j'ai pas envie d'en parler tout court. Laisse-le en dehors de ça. Écoute, je vais y aller, j'ai de la route et je t'avais prévenu que je faisais seulement l'aller-retour.

- Il me répugne, comment tu peux encore rester avec lui après ce qu'il t'a fait ?

- Chut ! Tu l'sais pourquoi !

- Bon j'imagine que tu ne déjeunes pas avec ton père et moi ? On n' te voit pas souvent tu sais ? Rooo et je t'ai déjà dit et répété de protéger les yeux de ton fils quand tu viens en Californie !

- Mamma ! Laisse-le tranquille ! Ses yeux vont très bien, il a une très bonne vision. Je l'ai emmené chez l' ophtalmo et tout va bien. Je t'assure qu'il n'a pas besoin de ces lunettes que tu lui a achetées, enfin !

- Ses yeux sont beaucoup trop clairs pour le soleil d'ici ! Je n' veux pas qu'il se brûle la cornée ! Basta, il mettra ses lunettes un point c'est tout ! Allez, viens, on va passer à table maintenant.

Le Pacte Des Anges... Jamais L'Un Sans L'Autre Volume 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant