Chapitre 43 - Le Poids des Révélations

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Le Poids des Révélations

Le matin était brumeux, enveloppant les rues de Londres d'une atmosphère feutrée et silencieuse. Baker Street restait inchangée, fidèle à son décor habituel, un refuge pour les enquêtes qui avaient marqué tant de moments inoubliables. Pourtant, ce matin-là, il y avait quelque chose de différent dans l'air. Sherlock se tenait debout près de la fenêtre, son regard perdu dans l'agitation matinale de la rue, mais son esprit ailleurs, en proie à des réflexions silencieuses. L'appartement, d'ordinaire animé par ses incessantes expériences ou discussions, était étrangement calme. John, assis dans son fauteuil habituel, était tout aussi pensif.

Après tout ce temps, tant de choses avaient changé. La mort simulée de Sherlock avait bouleversé leurs vies. John avait souffert, indéniablement, mais ce matin, son esprit était tourné vers Émilie. Il observait Sherlock du coin de l'œil, se demandant comment aborder ce qui pesait lourdement sur son cœur. L'absence de Sherlock avait laissé des traces bien plus profondes qu'il n'aurait pu l'imaginer.

— Sherlock, commença John d'une voix douce mais ferme, rompant le silence pesant, il y a quelque chose dont on doit parler.

Sherlock, toujours dos à lui, ne répondit pas immédiatement, absorbé dans ses pensées. Mais John savait qu'il écoutait, attentif malgré tout. Il prit une profonde inspiration avant de poursuivre.

— Je t'ai déjà dit ce que ton absence m'a coûté. Ce que ça m'a fait, à moi. Mais... je n'ai jamais vraiment pris le temps de te dire dans quel état était Émilie.

À l'évocation d'Émilie, Sherlock tourna légèrement la tête, sans pour autant quitter la fenêtre du regard. Il restait impassible, mais John perçut une tension dans ses épaules, un signe que ses mots n'étaient pas tombés dans l'oreille d'un sourd.

— Elle était... dévastée, Sherlock. John s'arrêta un instant, cherchant les mots justes. Tu étais son pilier, tu sais. Pas seulement dans le travail, mais... Il chercha dans ses souvenirs, visualisant les mois passés. Après ta mort, elle n'a plus été la même. Elle a sombré dans un silence qui était... terrifiant. Elle ne parlait presque plus à personne, sauf à moi, parfois. Elle s'est retirée de tout. Des enquêtes. De la vie, en fait.

Sherlock, cette fois, se tourna vers John. Son visage était inexpressif, mais John connaissait suffisamment son ami pour déceler la tempête intérieure qui le consumait.

— Et tu n'as rien fait pour l'aider ? demanda Sherlock, sa voix d'un calme trompeur, ses mots tranchants comme une lame.

John le fixa, serrant les poings sur les accoudoirs de son fauteuil.

— J'ai fait tout ce que j'ai pu, Sherlock. Mais tu sais bien que ce n'est pas si simple. Tu étais tout pour elle. Elle t'admirait d'une manière que je n'ai jamais vue. Et tu lui as été enlevé sans aucune explication. Comment aurais-tu réagi si les rôles avaient été inversés ?

Sherlock ne répondit pas tout de suite. Il se contenta de fixer John, le silence devenant de plus en plus lourd. Finalement, il brisa la tension avec une voix plus douce, presque hésitante.

— Comment va-t-elle maintenant ?

— Mieux, dit John en soupirant. Enfin, mieux est un grand mot. Elle ne s'est pas encore totalement remise, mais elle progresse. Ces deux dernières années, elle s'est fermée à tout, mais récemment... Il chercha ses mots, ...récemment, elle commence à s'ouvrir un peu plus. Elle s'accroche à l'espoir. Et ton retour a bouleversé ce fragile équilibre, tu le sais, non ?

Sherlock ne répondit pas. Son regard se perdit à nouveau dans la rue, mais son esprit restait rivé aux mots de John. Il n'avait jamais vraiment mesuré l'impact de sa disparition sur ceux qu'il avait laissés derrière lui. Il s'était convaincu que c'était nécessaire, qu'ils finiraient par comprendre. Mais les blessures infligées étaient bien plus profondes qu'il ne l'avait anticipé.

— Elle mérite des explications, Sherlock, reprit John après une pause. Plus que quiconque. Toi et moi, on peut passer au-dessus. Mais pour elle... tu es bien plus que ce que tu penses. Elle n'a pas eu beaucoup de figures auxquelles se rattacher dans sa vie. Toi, tu étais cette figure.

Sherlock laissa échapper un léger soupir, ses doigts tapotant nerveusement sur le rebord de la fenêtre.

— Je sais, dit-il finalement, sa voix plus basse, presque vulnérable. Je n'aurais jamais pensé que... Il s'interrompit, comme s'il hésitait à poursuivre. Je ne voulais pas lui faire de mal.

John hocha la tête, comprenant la lutte intérieure de son ami. Il savait que Sherlock ne maîtrisait pas toujours bien les émotions humaines, et encore moins les siennes. Mais il était essentiel qu'il prenne conscience de ce qu'Émilie avait enduré.

— Il faudra du temps pour qu'elle te pardonne, continua John. Mais elle le fera. Parce que malgré tout, elle te comprend. Peut-être mieux que nous tous.

Sherlock se tourna complètement cette fois, ses yeux rencontrant enfin ceux de John.

— Et toi, John ? M'as-tu pardonné ? La question était directe, presque brutale, mais elle flottait depuis leur première confrontation.

John détourna le regard un instant, un mélange de colère et de tristesse dans ses yeux.

— J'ai été en colère, furieux même. Mais oui, je pense que je commence à te pardonner. Il prit une profonde inspiration. Parce que je sais pourquoi tu l'as fait. Même si ça fait mal, je comprends.

Un silence lourd s'installa entre eux. Les mots étaient échangés, mais il restait encore tant de non-dits, tant de douleurs non exprimées.

Finalement, Sherlock s'approcha du fauteuil où John était assis et, contre toute attente, posa une main sur son épaule.

— Je suis désolé, dit-il simplement. Et cette fois, John sentit que les mots étaient sincères, chargés de toute la culpabilité et du regret que Sherlock peinait à exprimer.

— Je sais, murmura John. Moi aussi, je suis désolé.

Ils restèrent là, dans un silence qui, cette fois, était plus apaisant. Sherlock s'éloigna après un moment, se laissant tomber dans le fauteuil face à John. Son regard sombre témoignait de la tempête qui continuait de faire rage dans son esprit.

— Quand est-ce que je devrais lui parler ? demanda Sherlock, brisant à nouveau le silence.

John sourit faiblement.

— Quand tu seras prêt. Mais ne tarde pas trop, Sherlock. Elle t'a attendu pendant deux ans, ne la fais pas attendre plus longtemps.

Sherlock hocha la tête, son regard se perdant dans la contemplation de la pièce familière. Baker Street était toujours là, inchangée en surface, mais profondément marquée par le temps et les épreuves qu'ils avaient tous traversées.

Le retour à la vie normale semblait encore loin, et pourtant, un chemin s'ouvrait lentement. Un chemin pavé de réconciliations, de conversations douloureuses, mais aussi d'un espoir renouvelé.

La fenêtre entrebâillée de l'appartement laissa entrer une bouffée d'air frais, comme un symbole d'un nouveau départ, pour Sherlock, pour John, et surtout, pour Émilie.

Une colocataire improbableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant