Une colocataire improbable

Chapitre 41 - Les Émotions Réprimées

Les Émotions Réprimées

Le crépuscule avait enveloppé Londres d'une lueur dorée, projetant de longues ombres sur les bâtiments anciens. Dans l'appartement de Baker Street, le temps semblait s'être arrêté, chaque seconde s'étirant douloureusement alors que les trois figures se faisaient face. Sherlock, imposant dans sa présence silencieuse, John, luttant contre la marée de sentiments contradictoires qui menaçait de l'emporter, et Émilie, en retrait, ses yeux trahissant une tempête intérieure de colère, de confusion et d'une étrange anticipation.

Le regard de John allait et venait entre Sherlock et Émilie, cherchant des réponses dans leurs visages fermés. Il avait toujours su que la vie avec Sherlock ne serait jamais simple, mais rien ne l'avait préparé à ce moment précis. La trahison était une chose, mais la résurrection de son ami, deux ans après l'avoir enterré dans son cœur, en était une autre. Il chercha les mots, mais ne trouva que le silence lourd de l'appartement.

— Alors, c'est tout ? demanda John, sa voix rauque, trahissant à la fois la fatigue et l'incrédulité. Tu nous fais croire que tu es mort, tu nous laisses... me laisses... te pleurer, et puis tu réapparais comme si de rien n'était ?

Sherlock soutint son regard sans fléchir, mais il y avait une lueur dans ses yeux, un éclat de quelque chose que ni John ni Émilie n'avaient vu chez lui avant. C'était un mélange de regret et de quelque chose de plus profond, de plus personnel. Mais Sherlock étant Sherlock, il le réprima immédiatement.

— Ce n'est pas ce que j'ai voulu, John. Sa voix, habituellement si maîtrisée, trembla légèrement, imperceptible pour tous sauf ceux qui le connaissaient le mieux. Mais il fallait que je le fasse. Moriarty avait des plans qui allaient au-delà de ce que nous imaginions.

— Je ne parle pas de tes plans, Sherlock, je parle de toi, de ce que tu as fait à nous. La colère de John montait, colorant ses paroles d'une intensité qui résonnait dans chaque coin de la pièce. Tu n'avais pas le droit. Tu n'avais pas le droit de nous laisser dans cette... cette agonie.

Émilie, jusque-là figée dans son coin, sentit une boule se former dans sa gorge. Elle comprenait la douleur de John, peut-être même mieux que lui. Sherlock n'avait pas seulement trahi la confiance de John, mais il avait aussi violé cette fragile barrière de respect et d'admiration qu'elle avait construite autour de lui. La colère grondait en elle, mais elle était subtile, plus insidieuse, alimentée par le sentiment d'abandon, de manipulation.

Elle croisa les bras sur sa poitrine, comme pour se protéger de l'intensité de la confrontation. Sherlock tourna un instant son regard vers elle, comme s'il sentait la froideur qui émanait de son silence. Mais il ne dit rien, respectant la distance qu'elle semblait vouloir maintenir.

— Je comprends ta colère, John. Et je m'attendais à ce que tu te sentes ainsi. Sherlock choisissait soigneusement ses mots, pesant chaque phrase. Mais crois-moi, il n'y avait pas d'autre choix. Je n'ai jamais voulu vous faire souffrir, ni toi, ni... Son regard dériva de nouveau vers Émilie, hésitant, ni Émilie.

Le nom d'Émilie, prononcé dans cette salle chargée de tension, sembla résonner avec une force particulière. Ce fut comme une petite décharge électrique, un rappel silencieux qu'elle était là, observant, jugeant.

— Sherlock... La voix de John trembla alors qu'il se battait contre les larmes. Deux ans. Deux ans à croire que tu étais mort, que je t'avais perdu pour toujours. Et maintenant... Il secoua la tête, incapable de terminer sa pensée.

— Je sais, répondit Sherlock doucement. Et pour cela, je suis désolé. Vraiment.

Le silence qui suivit fut pesant, étouffant. Chacun dans la pièce sentait le poids des non-dits, des émotions réprimées qui cherchaient désespérément à s'exprimer. John détourna les yeux, cherchant un refuge dans la banalité du décor, tandis qu'Émilie, les poings serrés, fixait Sherlock comme s'il était un inconnu.