Chapitre 42 - Le Miroir Brisé

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Le Miroir Brisé

Le bruit sourd de l'hélicoptère se perdait dans le ciel londonien, tandis que les trois figures s'engouffraient dans l'obscurité des couloirs souterrains de la ville. Leurs pas résonnaient dans l'étroit passage, rythmés par l'urgence de la mission qui les attendait. Sherlock, en tête, scrutait les environs avec son regard acéré, les mâchoires serrées, tandis qu'Émilie et John le suivaient de près, partageant la même tension nerveuse.

Depuis leur réunion improbable, Émilie et Sherlock avaient travaillé côte à côte, parfois en silence, parfois en échangeant des regards qui en disaient long sur leur complicité naissante. Ils n'avaient pas encore évoqué la profondeur de leurs sentiments, mais chaque geste, chaque mot échangé, semblait les rapprocher un peu plus. John, de son côté, était toujours là, comme une présence rassurante, apportant une stabilité émotionnelle qu'Émilie appréciait plus que tout. Ils formaient une équipe soudée, et c'était cette unité qui leur avait permis de se retrouver dans cette situation.

Ils arrivèrent finalement dans une vaste salle souterraine, une ancienne station de métro désaffectée, où une bombe imposante trônait au centre. Le tic-tac régulier du décompte se répercutait sur les murs, glaçant le sang de ceux qui osaient s'en approcher. Sherlock s'accroupit immédiatement devant l'engin, examinant rapidement les fils entrelacés, tandis que John et Émilie restaient en arrière, retenant leur souffle.

John jeta un coup d'œil à Émilie, cherchant à capter une étincelle d'assurance dans son regard, mais elle semblait tout aussi anxieuse que lui. Cette bombe n'était pas seulement une menace pour la ville, mais une épreuve pour leur fragile équipe, une épreuve qui pourrait soit les souder définitivement, soit les briser.

Sherlock prit une profonde inspiration, ses doigts fins effleurant les fils colorés.
— John, Émilie, restez calmes, murmura-t-il sans lever les yeux de la bombe. Nous devons désamorcer cela méthodiquement, sans précipitation.

Mais même en prononçant ces mots, quelque chose dans la voix de Sherlock trahissait une certaine tension. Émilie, dont les sens étaient aiguisés par la situation, remarqua cette subtile variation dans son ton. Un doute s'insinua en elle, mais elle se contenta de serrer les poings pour maintenir sa concentration. John, cependant, commençait à transpirer légèrement, son esprit ramené à ses souvenirs de guerre, où chaque seconde comptait, où chaque décision pouvait être fatale.

Les minutes passaient, et le décompte de la bombe continuait inexorablement. Sherlock, d'un calme presque surnaturel, continuait de manipuler les fils, alors que l'anxiété grandissait chez ses deux compagnons. Émilie, incapable de rester en arrière, s'avança finalement, s'accroupissant à côté de Sherlock pour examiner elle aussi la structure de l'engin.

— Sherlock, il y a... quelque chose que vous ne nous dites pas, n'est-ce pas ? demanda-t-elle doucement, sa voix tremblante d'une inquiétude à peine dissimulée.

Sherlock tourna légèrement la tête vers elle, ses yeux rencontrant les siens. Pendant un bref instant, quelque chose d'indéfinissable passa entre eux, une connexion, une compréhension mutuelle qui ne nécessitait aucun mot. Puis, soudain, Sherlock prit une décision.

— Vous savez, John... Émilie, commença-t-il, son ton devenant plus léger, presque insouciant. Il est possible que... je ne sache pas comment désamorcer cette bombe.

John le regarda, sidéré, la bouche ouverte, incapable de croire ce qu'il venait d'entendre.
— Quoi ? Sherlock, c'est une plaisanterie ? La panique commençait à poindre dans sa voix, alors que l'éventualité d'une explosion se faisait de plus en plus réelle.

Émilie, elle, ne pouvait détacher ses yeux de Sherlock. Elle savait que quelque chose n'allait pas, que cette légèreté dans sa voix ne correspondait pas au Sherlock qu'elle connaissait. Sa main trembla légèrement lorsqu'elle la posa sur celle de Sherlock, ses doigts se refermant autour des siens. Le contact fut électrisant, et Sherlock sembla se raidir légèrement, surpris par ce geste inattendu. Mais il ne retira pas sa main, et pendant un instant, le temps sembla suspendu.

— Sherlock, murmura-t-elle, sa voix brisée par l'émotion. Ne faites pas ça. Ne nous laissez pas...

Sherlock se tourna enfin complètement vers elle, ses yeux bleus plongeant dans les siens, cherchant quelque chose, une validation, un espoir peut-être. Puis, lentement, son expression se radoucit, et il pressa doucement la main d'Émilie, une promesse silencieuse dans ce simple geste.

— Je plaisante, finit-il par dire, avec un sourire en coin, mais l'émotion dans ses yeux contredisait son ton léger. Je sais comment désamorcer cette bombe.

John poussa un soupir de soulagement, mais Émilie resta figée, son regard toujours ancré dans celui de Sherlock. Elle comprit alors que ce n'était pas seulement une question de désamorçage de bombe, mais une métaphore pour leur relation, pour la manière dont Sherlock manipulait les situations, testait les limites, et pour la première fois, elle réalisa à quel point cela la blessait.

— Ne refaites jamais ça, dit-elle fermement, sa voix empreinte d'une force nouvelle. Vous avez beau être brillant, Sherlock, mais vous n'avez pas le droit de jouer avec nos émotions de cette manière.

Sherlock hocha la tête, une lueur de regret dans ses yeux, puis il se retourna pour couper la minuterie. Le tic-tac s'arrêta brusquement, plongeant la pièce dans un silence presque assourdissant.

John, soulagé, s'approcha et posa une main sur l'épaule de Sherlock, lui lançant un regard qui mélangeait reproche et gratitude.
— Ne nous refais plus jamais ça, d'accord ?

Sherlock acquiesça, mais son regard se tourna rapidement vers Émilie, cherchant à capter une réaction, une émotion dans ses yeux. Elle se contenta de lui lancer un dernier regard avant de se détourner, laissant le silence parler pour elle.

La tension retombait, mais quelque chose avait changé dans leur dynamique. Émilie sentait que leur relation venait de franchir une nouvelle étape, mais elle ne savait pas encore si cela les rapprochait ou les éloignait. Quant à Sherlock, il se retrouvait face à un miroir brisé, son reflet déformé par les choix qu'il avait faits et ceux qu'il devait encore faire.

Alors qu'ils quittaient la station, leurs silhouettes se fondirent dans les ombres de la nuit londonienne, chacun portant en lui les éclats d'un miroir brisé, des fragments de vérité qu'ils devaient encore assembler.

Une colocataire improbableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant