« Restez »
Sherlock était déjà à mi-chemin dans le couloir, son long manteau noir effleurant le sol, lorsque la voix d'Émilie retentit dans son dos, plus forte que la première fois.
— Sherlock, attendez. Elle n'avait pas l'habitude d'élever la voix de cette manière, et cela fit écho dans la pièce, l'arrêtant net dans son élan. Il tourna légèrement la tête, surpris par la soudaine urgence dans son ton.— Quoi encore ? dit-il, une pointe d'agacement dans la voix. Pas parce qu'il était en colère contre elle, mais parce qu'il se sentait profondément désorienté par toute cette soirée. Il n'avait pas l'habitude de gérer de telles émotions, encore moins de les ressentir. Sherlock, brillant dans le domaine de la logique, se trouvait perdu face à cette vague d'incompréhensible vulnérabilité.
Mais Émilie n'était pas prête à le laisser partir ainsi. Il y avait quelque chose qu'elle ne comprenait pas elle-même, quelque chose qu'elle n'arrivait pas à nommer, mais elle savait, de manière viscérale, qu'elle ne voulait pas qu'il parte. Pas cette fois. Elle avait besoin de sa présence. Pas pour discuter, pas pour résoudre une énigme, mais simplement parce que sa seule proximité était devenue une sorte d'ancre pour elle.
Elle s'avança vers lui, son regard un peu plus durci, les bras croisés devant elle comme pour se protéger de ce qu'elle allait dire.
— Restez. Ce mot, pourtant simple, était chargé d'une signification qu'elle n'avait jamais osé exprimer. Je ne sais pas pourquoi, mais... si vous partez maintenant, je sais que je ne vais pas pouvoir dormir.Sherlock fronça les sourcils. C'était une réponse inhabituelle, et il n'était pas certain de comprendre.
— Vous ne dormez pas ? demanda-t-il d'un ton qui se voulait presque clinique, comme s'il s'agissait d'un simple fait à analyser.Elle secoua la tête, un sourire amer aux lèvres.
— Depuis longtemps, Sherlock. Je ne dors pas depuis longtemps. Pas correctement, en tout cas. Elle baissa les yeux, se sentant soudainement exposée, vulnérable. Depuis que vous êtes parti, en fait.Cette confession la surprit presque autant que lui. Elle n'avait jamais réalisé à quel point son absence l'avait affectée, pas seulement émotionnellement, mais aussi physiquement. Son corps refusait de trouver le repos, comme si une partie d'elle restait toujours en alerte, toujours sur le qui-vive, attendant quelque chose... ou quelqu'un.
— Vous voulez que je reste... ici ? demanda-t-il, visiblement perplexe. Sherlock Holmes n'était pas habitué à ces situations. L'intimité des relations humaines, les besoins affectifs, tout cela lui échappait encore en grande partie, et il n'était pas certain de savoir comment répondre à cette demande.
Émilie soupira, agacée de devoir tout expliquer, de devoir le décortiquer pour lui. Mais elle le connaissait trop bien pour espérer une autre réaction.
— Oui, je veux que vous restiez. Pas pour parler, pas pour réfléchir. Juste... pour être là. Ses yeux s'accrochèrent aux siens, cherchant à lui faire comprendre l'essentiel, l'inexplicable. Quand vous êtes là, je me sens... je ne sais pas, plus calme. Moins... Elle chercha ses mots, en vain. Moins seule.Sherlock la fixa, analysant chaque mot, chaque micro-expression, tentant de comprendre ce qu'elle voulait vraiment dire, sans se rendre compte qu'il était déjà en train de répondre à sa demande simplement en restant là, face à elle.
Un silence pesant s'installa, rempli de non-dits et de sentiments que ni l'un ni l'autre n'arrivait à articuler correctement. Enfin, Sherlock rompit ce silence, non pas par des mots, mais par un geste. D'un mouvement fluide et presque hésitant, il fit un pas vers elle.
— Très bien. Je reste. Son ton n'était ni chaleureux ni distant. Il était simplement factuel, comme s'il acceptait un défi qu'il ne comprenait pas encore.Émilie acquiesça, un peu prise au dépourvu par sa propre demande, mais étrangement soulagée de sa réponse. Elle détourna rapidement les yeux et se dirigea vers le salon, tentant de reprendre un semblant de contrôle sur cette situation qui lui échappait totalement.
— Vous pouvez... vous installer là, je suppose. Je vais... préparer des couvertures.Mais alors qu'elle se dirigeait vers l'armoire pour chercher de quoi le faire dormir sur le canapé, elle sentit une étrange réticence. Ce n'était pas suffisant. Il était là, à portée de main, et pourtant, une part d'elle voulait plus. Plus de proximité, plus de ce sentiment de sécurité qu'il lui apportait, même s'il ne le comprenait pas lui-même.
Sherlock la regarda faire, mais quelque chose dans son attitude avait changé. Il la voyait s'agiter, chercher des couvertures, et un détail retint son attention : sa nervosité, ce léger tremblement dans ses gestes. Il connaissait cette femme, peut-être mieux qu'elle ne se connaissait elle-même parfois. Et il comprit, à cet instant, qu'elle ne voulait pas vraiment qu'il dorme dans le salon.
Il s'approcha doucement, la surprenant alors qu'elle farfouillait dans les tiroirs.
— Pourquoi faites-vous cela ? demanda-t-il simplement.Émilie se figea, sentant la proximité de Sherlock dans son dos, sa voix grave et profonde résonnant près de son oreille. Elle ne se retourna pas tout de suite, hésitant à répondre.
— Quoi ? répondit-elle, feignant l'incompréhension.
Sherlock fit un pas de plus, comblant la distance qui les séparait, presque imperceptiblement.
— Vous savez très bien ce que je veux dire.Le cœur d'Émilie accéléra, une chaleur étrange se répandant en elle à mesure que la présence de Sherlock devenait plus tangible. Elle posa ses mains sur le bord du meuble, cherchant un soutien physique alors qu'elle sentait ses pensées se bousculer.
— Je ne sais pas, Sherlock. C'est... compliqué. Sa voix était un peu tremblante, moins assurée que d'habitude.Il resta silencieux, comme pour l'encourager à continuer. Et après un moment, elle lâcha finalement ce qu'elle avait gardé en elle.
— J'ai juste besoin que vous soyez là, d'accord ? Je ne peux pas expliquer pourquoi. Je... Elle chercha ses mots, son esprit embrouillé par la fatigue et les émotions. J'ai besoin de sentir que je ne suis pas seule.Il y avait quelque chose d'incroyablement sincère dans sa voix. Sherlock, qui comprenait mieux que quiconque l'isolement, perçut le poids de ses paroles. Il se surprit à vouloir combler ce besoin, non pas par logique, mais par instinct.
Sans vraiment réfléchir, il effleura doucement son bras, un geste timide, presque expérimental, comme s'il voulait s'assurer que c'était bien réel. Émilie frissonna légèrement, non pas de froid, mais de surprise. Elle tourna lentement la tête vers lui, leurs regards se croisant dans la pénombre de la pièce. Il n'y avait plus d'espace entre eux, plus de barrières à cet instant.
Sherlock, pour la première fois, ne chercha pas à comprendre ou à analyser. Il laissa simplement ses actions parler pour lui.
— Très bien, murmura-t-il d'une voix basse. Si c'est ce dont vous avez besoin.Émilie, troublée par la proximité, par l'intensité de ce moment inattendu, hocha simplement la tête, incapable de trouver les mots. Elle se dirigea alors vers la chambre, Sherlock la suivant en silence, respectant cette tension tacite entre eux.
Juste avant de rentrer dans la pièce, la simple vue du lit provoqua une montée d'angoisse chez Émilie, mais elle l'étouffa rapidement. C'était trop tard pour revenir en arrière. Elle voulait se glisser dans le lit, avec des gestes lents peut-être incertains, avec l'envie de sentir Sherlock la rejoindre de l'autre côté. Elle voulait simplement juste fermer les yeux, sentir la chaleur rassurante de sa présence à côté d'elle.
Rien ne serait plus pareil après cette nuit, elle le savait. Mais pour la première fois depuis bien longtemps, elle se laissa aller, ses pensées s'éteignant peu à peu dans une fatigue douce.

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Une colocataire improbable
FanfictionDans les ruelles sombres de Londres, où chaque ombre cache un secret, Sherlock Holmes se trouve face à un ennemi à la hauteur de son intellect : le redoutable Moriarty. Alors que les complots se multiplient et que les preuves se retournent contre lu...