Chapitre 47 - L'Étreinte du Silence

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L'Étreinte du Silence

La nuit à Londres était silencieuse, les murmures de la ville semblant suspendus dans le temps. L'appartement d'Émilie, faiblement éclairé par les lumières des réverbères qui perçaient à travers les rideaux, était une scène d'immobilité. Pourtant, à l'intérieur, deux esprits étaient en pleine effervescence. Sherlock Holmes, debout, à quelques mètres de la porte, et Émilie, encore sous le choc de la scène qui venait de se dérouler.

Elle ne savait pas pourquoi elle avait soudainement voulu qu'il reste. Peut-être était-ce la fatigue mentale qui pesait sur ses épaules, ou ce besoin profondément enfoui de ne pas être seule cette nuit-là. Les mots s'étaient échappés de sa bouche avant même qu'elle puisse les comprendre : « Restez. » Un mot simple, mais chargé d'une signification bien plus vaste qu'elle ne l'avait anticipé.

Sherlock, lui, restait figé, l'esprit tournant à vive allure. Il n'avait jamais été à l'aise avec ce genre d'intimité, et pourtant, une part de lui était curieuse, désireuse d'analyser cette nouvelle dynamique entre eux. Ses yeux glissèrent vers Émilie, qui se tenait là, dans son grand pull informe, les cheveux en bataille et le regard fatigué mais déterminé.

Il franchit les quelques pas qui les séparaient, son long manteau ébène flottant légèrement derrière lui. Sans un mot, il entra plus profondément dans l'appartement, sa présence imposante et calme à la fois. Elle sentait une étrange tension dans l'air, une tension non pas d'inconfort, mais d'inattendu. Jamais elle n'aurait pensé que Sherlock Holmes, si distant, se retrouverait dans son salon, en pleine nuit, avec cette étrange atmosphère entre eux.

Sans réfléchir davantage, elle referma la porte doucement derrière elle, verrouillant symboliquement l'espace qu'ils allaient partager cette nuit. Le bruit du verrou fut comme un point final, un moment de non-retour.

— Vous pouvez prendre le lit, si vous voulez. Sa voix était douce, presque fragile dans le silence oppressant de la pièce.

Sherlock tourna légèrement la tête vers elle, un sourcil arqué en signe d'interrogation. Dormir... Voilà une activité qu'il considérait généralement comme une perte de temps. Mais ce soir, il savait que ce n'était pas seulement une question de sommeil. C'était un moment d'observation, une expérience sociale et émotionnelle qu'il n'avait jamais vraiment explorée. Que ressentait-elle réellement, cette femme si énigmatique ? Pourquoi ce besoin soudain de le garder près d'elle ?

— Je ne dors pas vraiment beaucoup non plus, finit-il par répondre, d'une voix presque inaudible.

Un léger sourire effleura les lèvres d'Émilie, comme si elle trouvait une certaine complicité dans cette réponse. Elle n'était pas seule dans ses insomnies chroniques, après tout.

Le silence retomba, lourd, mais pas inconfortable. Sherlock, après une autre seconde de réflexion, fit quelque chose de tout à fait inhabituel. Il retira son manteau, le drapant soigneusement sur le bras d'un fauteuil à proximité. Son geste était mesuré, précis, comme tout ce qu'il faisait. Chaque mouvement semblait calculé, comme s'il voulait tester cette proximité, la comprendre.

Il se tourna vers le lit, simple, étroit, et s'y dirigea. Émilie, de son côté, restait près de la porte, un peu hésitante. Elle ne savait pas si elle devait se rapprocher, s'asseoir quelque part, ou simplement... continuer à observer.

— Venez, dit-il finalement, sa voix étonnamment douce dans l'immensité du silence.

Elle hésita une seconde, puis se décida. Émilie s'approcha lentement du lit, ses pieds nus contre le sol froid de l'appartement. Une fois à côté de Sherlock, elle s'assit sur le bord du lit, encore incertaine. Ses pensées tourbillonnaient dans son esprit, mais elle s'efforçait de les contenir.

Ils s'allongèrent côte à côte, sans se toucher, le poids de l'instant pesant entre eux. La pièce était si calme qu'elle pouvait entendre sa propre respiration, et celle, plus régulière, de Sherlock à côté à d'elle. Elle n'avait jamais été aussi consciente de quelqu'un, de sa proximité physique, de l'espace partagé. Pour elle, le contact physique n'avait jamais été facile, pas depuis la mort de ses parents, pas depuis ces années de solitude. Et pourtant, ce soir, elle sentait quelque chose de différent. Une part d'elle voulait cette proximité, mais elle ne savait pas encore pourquoi.

Sherlock, de son côté, n'avait jamais été aussi attentif à une autre personne. Ses pensées, d'habitude si méthodiques, se trouvaient étrangement brouillées par cette simple présence à côté de lui. Sans vraiment réfléchir, il laissa sa main glisser doucement sur le drap, jusqu'à ce qu'elle frôle celle d'Émilie. C'était subtil, presque imperceptible, mais suffisant pour que son cœur batte un peu plus vite.

Émilie tressaillit légèrement à ce contact, ses yeux s'écarquillant un peu dans l'obscurité. Ce simple geste, si anodin pour certains, résonnait en elle avec une intensité qu'elle ne comprenait pas. Sherlock, tactile ? Cela semblait incongru, mais il était là, sa main frôlant la sienne, dans un silence partagé. Et c'était tout sauf désagréable.

— Pourquoi ? murmura-t-elle finalement, ne sachant même pas si elle voulait réellement entendre la réponse.

— Parce que... Sherlock hésita, cherchant les mots justes, chose rare pour lui. Je voulais comprendre.

— Comprendre quoi ? demanda-t-elle en tournant la tête vers lui, ses yeux cherchant les siens dans l'obscurité.

Sherlock resta silencieux pendant une longue minute, ses yeux fixés au plafond. Ce qu'il ressentait à cet instant précis n'avait rien à voir avec une simple curiosité intellectuelle. C'était quelque chose de plus profond, quelque chose qu'il n'arrivait pas à identifier.

— Vous, finit-il par dire. Je voulais comprendre ce que c'était d'être près de vous.

Ces mots, simples mais si lourds de sens, laissèrent Émilie sans voix. Il y avait là une vulnérabilité qu'elle n'avait jamais associée à Sherlock Holmes, un aveu qui semblait presque le dépasser lui-même.

Elle ne répondit pas, mais sa main, jusque-là figée sous celle de Sherlock, bougea enfin. Lentement, elle entrelaça ses doigts avec les siens, trouvant dans ce geste une forme de réconfort qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps.

Ils restèrent ainsi, sans dire un mot de plus, tandis que la nuit londonienne continuait de s'étendre autour d'eux. Ni l'un ni l'autre ne trouvera vraiment le sommeil, mais cette nuit-là, ils partageraient quelque chose de bien plus profond qu'un simple lit.

Une colocataire improbableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant