Une colocataire improbable

Chapitre 57 - L'écho du silence

L'écho du silence

La pluie fine qui tombait sur les pavés glissants de la petite ville flamande formait un voile brumeux qui masquait les contours nets des bâtiments. Une atmosphère d'étrangeté planait, comme si le temps lui-même retenait son souffle. Sherlock et Émilie avaient abandonné la moto dans une ruelle à l'abri, et avançaient désormais à pied, l'un à côté de l'autre, concentrés sur la mission à venir. Les vestiges du réseau de Moriarty les avaient conduits jusqu'ici, à la recherche d'un contact mystérieux qu'ils devaient rencontrer au détour d'une vieille église abandonnée.

Alors qu'ils marchaient, le silence entre eux n'était pas pesant. Bien au contraire, il semblait témoigner d'une compréhension mutuelle, forgée par les événements récents et cette proximité croissante qu'ils n'avaient pas cherché à définir, mais qui s'était imposée à eux.

Sherlock, dans son manteau noir qui semblait flotter dans le vent humide, observait discrètement Émilie. Il la voyait désormais sous un angle différent, une énigme à la fois fascinante et troublante. Depuis leur escapade en moto, il avait ressenti une impulsion, un besoin de comprendre cette femme qui, comme lui, semblait se définir par ses contradictions.

Elle marchait à ses côtés, ses yeux vifs scrutant l'horizon, mais une certaine tension se lisait dans son corps. Elle était en alerte. Et lui, tout en réfléchissant à leur mission, se demandait ce qu'il allait découvrir d'elle à chaque nouvelle interaction.

— Alors, c'était quoi ? demanda-t-il brusquement, brisant le silence, mais avec une voix calme et posée, comme s'il reprenait une conversation entamée il y a des heures.

Émilie tourna la tête, le regard interrogateur.
— De quoi parlez-vous ?

— Ce que vous m'avez dit hier soir. Sur cette... adrénaline. Vous aimez vraiment frôler le danger ? Il planta son regard dans le sien, cherchant à lire au-delà de ses mots, à déchiffrer ses émotions cachées.

Elle haussa légèrement les épaules, un léger sourire flottant sur ses lèvres.
— Disons que cela me fait me sentir vivante. C'est un rappel.

— Un rappel de quoi ?

Elle prit une inspiration, réfléchissant à ses mots avant de répondre.
— Un rappel que tout peut disparaître en un instant. Que rien n'est permanent, Sherlock. Nous passons notre vie à résoudre des énigmes, à construire des murs de logique autour de nous. Mais au fond, on sait tous que...

— Que tout est éphémère ? compléta-t-il, son ton presque absent, comme s'il se répondait à lui-même autant qu'à elle.

Elle hocha doucement la tête.
— Oui. Peut-être que cette quête du danger, ce besoin de frôler l'abîme, c'est une manière de me prouver que je contrôle au moins cet instant.

Sherlock resta silencieux un moment, absorbé par ces paroles. Il comprenait mieux que quiconque cette quête de contrôle. Lui-même avait bâti sa vie sur une maîtrise absolue de ses émotions, sur une logique implacable. Mais quelque chose en lui vacillait ces derniers temps. Peut-être à cause d'Émilie.

Ils continuèrent à marcher en silence, mais une tension palpable s'était installée entre eux, non pas à cause du danger qui les attendait, mais à cause de ces vérités inexprimées qui flottaient toujours sous la surface.

***

Quelques minutes plus tard, ils atteignirent enfin l'église. Le bâtiment délabré se dressait comme une ombre sinistre, ses pierres noircies par le temps et l'abandon. Ils pénétrèrent à l'intérieur, leurs pas résonnant sur le sol froid et humide.