À cœurs dissimulés

Chapitre 30 - Yaël

Je ne reconnais plus cet étranger que je vois dans mon miroir.

Mais que pensera le monde si j'abandonne cette image que j'ai passée tant de temps à construire ?

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Concentre-toi, concentre-toi, concentre-toi !

Je fixe mon écran, espérant que par magie ces quelques mots m'aident à concentrer toute mon attention sur mon travail, malheureusement sans résultat..

Ça fait plus d'une heure que je suis arrivé au travail et j'ai, en tout et pour tout, lu trois mails et écrit une vingtaine de lignes de code. En soi, ça pourrait encore être excusable si les trois mails en question n'avaient pas été simplement composés chacun de quatre lignes maximum. Une heure pour un total de douze lignes et même pas de réponse, on a vu mieux comme productivité.

Malheureusement, à chaque fois que j'essaye de me concentrer sur une tâche, mon esprit se disperse et je me mets à penser à Karim. Ce qui bien entendu a le don de m'exaspérer.

Je sauvegarde le fichier sur lequel je travaille et voilà qu'une liste d'erreurs s'affiche sous mon code et que ma page affiche un message d'erreur en rouge. Incapable de comprendre l'erreur qui j'en suis certain ne serait pas si incompréhensible si je n'avais pas la tête ailleurs, je reviens en arrière dans mes modifications et sauvegarde de nouveau.

Un nouveau message d'erreur s'affiche et cette fois, je ne cherche même pas à l'analyser, j'annule toutes les modifications faites sur mon fichier aujourd'hui et je re-sauvegarde. Cette fois ça fonctionne.

Je pose mon regard sur le rendu de mon code et je réalise que je suis parfaitement incapable de me rappeler ce que j'essayais de modifier.

Le son désagréable de mon supérieur tirant sur sa vapoteuse me parvient aux oreilles et mes doigts se crispent un peu plus autour de ma souris en réalisant qu'il s'approche de notre bureau.

De toutes les équipes de développeurs, c'est avec nous qu'il passe le plus de temps. Peut-être qu'il espère toujours qu'à force de persuasion, il finira par faire tomber Andy sous son charme, ou peut-être que les autres équipes ont moins l'habitude d'obéir à ses caprices, je ne sais pas...

Je peux déjà sentir le parfum écœurant du produit qu'il vapote et j'ai envie de vomir.

Je ne vais pas tenir, si je reste, je vais finir par frapper quelqu'un, très probablement mon supérieur.

J'ouvre le chat interne et clique sur ma discussion avec le grand patron pour lui demander si je peux poser des jours de congé.

Normalement, c'est plutôt à voir avec notre n+1, mais c'est déjà certain qu'il ne me les validera pas, surtout pour le jour même.

Je vois les trois petits points indiquant que mon correspondant est en train d'écrire, apparaître sur l'écran et je me prépare à argumenter en cas de refus.

"- Yaël, j'ai besoin que tu bosses sur le projet-

- Désolé, mais je ne vais pas pouvoir.

- Quoi ?"

Ok, l'interrompre n'était probablement pas une bonne idée, mais quelque chose me dit que si je l'avais laissé parler, je n'aurais pas pu en placer une avant la fin de la journée.

"- Je n'arrive à rien aujourd'hui et j'ai aussi des congés que je risque de perdre si je ne les pose pas rapidement.

- Ça se prévoit ça Langlois ! Ça ne s'improvise pas ! Et puis tu ne peux pas prendre de congés sans que ce soit validé.