Présent et souvenirs 9

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Le train ne passait que le matin, alors j'avais logé sur le sol de la gare. J'avais jeté mon cellulaire pour ne recevoir aucun appel, mais il m'avait tout de même trouvé.

« - Lae...

   - Ne dis rien, Noah, s'il te plaît.

   - Je vais pas te laisser partir. Cette fille, je la connais pas, elle n'est rien pour moi.

   - Ce qu'elle a en elle, tu seras tout pour ça. C'était ton choix.

   - Lae...

    - Noah. Nous, tout ça... C'était une erreur.

    - Tu le penses pas.

    - ... Non, mais j'y crois. Dès qu'on va plus loin, on se détruit, on se perd, on se retrouve, et à quoi bon ? C'est le monde qui est contre nous, on y peut rien.

    - Dis pas ça... Écoute-moi, je vais voir cette fille...

    - Et quoi ? Tu vas lui dire d'avorter ? Dis-moi, c'était avant ou après qu'on aille plus loin ?

    - Laelynne...

    - Réponds-moi, merde !

    - Pendant. Quand on s'est disputés à cette soirée. »

Je voulais vomir. Je ressentais du dégoût, de la colère. J'étais anéantie, et ma main avait atterri sur sa joue que j'avais autrefois caressée.

« - Je pense que pour l'avortement, c'est trop tard. Pour nous aussi.

   - Je suis désolé, c'était une putain d'erreur, je te le jure. J'étais pas moi-même.

   - C'est quand que tu étais toi-même avec moi, en fin de compte ? L'erreur, c'était nous. L'erreur, c'était d'y avoir pensé, d'y croire et d'attendre, mais c'est fini, Noah. C'était juste un cadeau qu'on nous a fait, ou une vilaine farce des dieux, je sais pas. C'est peut-être nous qui avons forcé le destin, peut-être qu'au final, on n'aurait pas dû.

   - Je t'aime, Laelynn. »

Ce mot, je l'avais imaginé, entendu dans mes rêves et attendu.

« - Non, Noah, c'est les souvenirs, notre passé que tu aimes. Nous, c'était déjà fini depuis longtemps et tu le sais.

   - Tu ne m'as jamais aimé ?

   - Si, crois-moi si. Mais c'est celle de 15 ans. Elle t'a aimé tellement fort et jusqu'à longtemps. Mais je peux plus, t'attendre, attendre que tu ailles mieux pendant que je meurs. Si tu veux une stabilité, pars voir cette fille. Sois un mari correct et un père incroyable. Dans cette histoire, on n'est qu'amis, finalement.

   - Mais je t'aime, Laelynne, je t'aime, je t'aime.

   - Si tu m'aimes, laisse-moi partir, Noah, libère-moi. »

Encore une fois, je ne peux m'empêcher de me demander : et si j'avais accepté la situation, si j'avais continué à être à tes côtés ? Était-ce cette libération-là que je voulais vraiment ? Le chagrin qui avait suivi nos adieux ne me faisait pas sentir plus libre. Au contraire, je pensais être en train de mourir.

J'avais tant rêvé, tant attendu le jour où tu allais me dire que tu m'aimais, que je souhaitais oublier cette journée et rouvrir les yeux en nous voyant au bord de cette plage, ou sur cette balançoire sous le ciel étoilé. Quand les dieux écoutaient nos peines et nos joies, quand les étoiles illuminaient tes sourires et tes larmes. Quand la lune était juge de nos secrets.

Cette nuit-là, tout ça venait de mourir, et je m'étais fait la promesse de ne plus retomber vers toi, d'accepter que notre chemin fût séparé.

AnamnèseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant