Présent et souvenirs 12

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Je n'avais aucune excuse, ma soirée était libre. Alors Maria est venue me chercher elle-même. Nous avons rejoint le reste du groupe. Il y avait beaucoup de monde, et chaque visage m'a rappelé un moment précis de ma jeunesse. Comme un aimant, mes yeux ont croisé les tiens.

Il n'y avait plus aucun bruit, plus aucun mouvement. Le temps s'était arrêté, et j'avais cessé de respirer. Mes jambes, cependant, refusaient d'avancer vers toi, bien que je le désirais ardemment. Ce n'est que plus tard dans la soirée que nous nous sommes approchés l'un de l'autre, comme si, pendant ces minutes qui s'étiraient, nous luttions contre nous-mêmes. On m'avait remis sur ton chemin, et je n'arrêtais pas de me demander quelle en serait la fin.

« - Laelynne. »

Ton nom a glissé de ma bouche, Noah, comme un murmure, un vœu que je ne voulais pas qu'on entende. Comme un secret. Tu étais là, devant moi, comme je l'avais souhaité depuis toujours.

«  - J'espérais vraiment que tu viennes. Ça me fait plaisir de te voir. »

Je n'avais rien répondu, bien que tant de choses me brûlaient les lèvres. Tant de questions, tant de mots tus pendant toutes ces années.

«  - T'as l'air en forme, même avec tes débuts de cheveux blancs.
    - Eh ! Je pensais que ça n'allait pas se remarquer... Ça se voit tant que ça ?
    -  Énormément, tu deviens un vieillard.
    - Ça ne nous rajeunit pas, tout ça. Tu es ravissante, Laelynne. La génétique, sans doute. »

C'était comme si rien n'avait changé. Nous étions plantés là, l'un devant l'autre. Tu te grattais la peau de ton doigt, et tu te pinçais la lèvre. Ton regard semblait perdu, et c'est alors que j'ai compris. J'ai pris une grande respiration, sentant l'air me bloquer les poumons.

«  - Alors, quoi de beau ? Le petit... ou la ?
   -  Elle.
   -  ... Elle doit être ravissante.
   -  ... Je vais me marier.
   -  Félicitations, Noah. »

Qu'aurais-je pu dire de plus ? Tu m'as tendu une lettre, sans rien ajouter.

«  - Dans deux semaines ? C'est... bientôt.
    - Ça lui tenait à cœur de faire ça le jour de l'anniversaire de mon grand-père. »

Deux semaines.

«  - Je ne peux pas. Désolée.
   - Pourquoi ? »

Parce que je t'ai aimé.   

Parce que je t'aime toujours.

«  - Je repars dans une semaine. Mon vol est déjà réservé. Je suis désolée.
    - Tu peux au moins passer avant de partir ? Une dernière fois. »

Tu savais que ce serait vraiment la dernière fois. Alors pourquoi m'avoir demandé cela ?

AnamnèseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant