Vingt-seizième lettre

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La fête battait son plein, un feu de bois avait été allumé dans le jardin. Cela me faisait penser aux étés chez Noah, au bord de la mer. Je le voyais danser, boire et faire la fête avec les autres. Je ne souhaitais qu'aller le voir, lui parler, mais quelque chose au fond de moi m'en empêchait, comme si je m'abstenais de ressentir quoi que ce soit afin de me préserver, de ne pas continuer quelque chose qui pourrait se terminer. Comme une corde invisible entre deux âmes, libérant l'une d'elles. Mais cette soirée avait fait tourner la corde.

Nous étions tous installés autour du feu, chacun ouvrait ses lettres. La plupart avaient été pris là où ils le souhaitaient, en tout cas dans leurs listes de choix. Un seul n'avait pas eu son examen, et deux devaient aller en rattrapage, mais ils n'étaient pas pour autant découragés. À mon tour, j'ouvris mes lettres et aucun mot ne sortait.

« - Mention et prise pour Paris ! Laelynne, tu nous offriras des croissants ! »

Le fait qu'il l'ait dit à voix haute rendait la situation réelle. J'avais réussi, et c'était une libération. Noah m'avait regardée en souriant ; je sais que, malgré tout, il est fier. Quand il ouvrit sa lettre, il déclara qu'il avait réussi, mais n'avait postulé dans aucune école.

Au cours de la soirée, je me suis retrouvée avec lui, et nous avons discuté après une longue période de silence.

« - Je suis tellement content pour toi, Lae'. Tu mérites tout ce qui t'arrive et plus encore, on te verra dans tous les génériques ! »

Nous nous sommes pris dans les bras, nous nous sommes serrés si fort que nous étions comme un bouclier. Il avait chuchoté au creux de mon épaule à quel point il se sentait bien et qu'il voulait rester ici infiniment. Ses mots m'ont toujours percutée d'une manière ou d'une autre, mais ce soir-là, j'avais l'impression de me battre avec des sentiments que j'ignorais encore.

Je lui ai demandé pourquoi il ne s'était inscrit nulle part. Il avoua qu'il souhaitait faire une année sabbatique, qu'il se sentait perdu et qu'il aimerait faire beaucoup de choses sans savoir ce qu'il voulait vraiment. La soirée passa, tout le monde s'amusait, et nous étions encore dans notre coin, notre bulle, comme si elle ne s'était jamais percée. Je lui parlais de ma mère, de son retour, de la vidéo qui m'avait sûrement permis d'être prise, de l'entretien et de la proposition motivante du directeur, puis de mes amis, et de nous.

« - Je ne sais pas, et je suis désolé. Je suis juste un imbécile qui ne sait pas ce qu'il veut, je tombe toujours et je ne me relève pas.

   - Noah, tu es la personne la plus incroyable que je connaisse, et tu ne te rends pas compte que tu possèdes tout au creux de tes mains. Être perdu, ce n'est pas grave, mais tu n'es pas seul, et je suis là. Je serai toujours là.

   - Je ne te mérite pas.

   - Ce n'est pas une question de mérite. Je resterai là. »

Il m'a regardée longuement avant de relancer en me demandant si je viendrais chez lui cet été. La réponse était évidente. Je serais là.

Le regard que tu m'as lancé quand je t'ai dit que je resterai avec toi, j'aurais aimé le capturer et le montrer au monde entier.

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