Jour 5

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Le cinquième jour

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Le cinquième jour

Tao ramena sa chevelure blonde en un chignon serré, prenant soin d'éviter que des mèches ne glissent sur son visage et la distraient de son travail minutieux. Installée derrière le comptoir en bois massif de sa bibliothèque, elle s'occupait des réparations habituelles des livres. Le poêle ronronnait doucement dans un coin, réchauffant les lieux avec une chaleur réconfortante, tandis que l'odeur familière du papier vieilli et de la colle flottait dans l'air. Cela faisait des heures qu'elle réparait patiemment ses ouvrages : refaisant des couvertures déchirées, recousant des dos abîmés, et recollant soigneusement des pages qui menaçaient de se détacher. Pour les volumes les plus anciens, dont les feuilles s'effritaient sous le poids des années, elle les recopiait à la main. Chaque livre perdu ici, à Brumevent, était une histoire irremplaçable. Sans contact régulier avec l'extérieur, une fois qu'un livre était trop endommagé, il y avait peu de chance qu'il soit remplacé avant plusieurs années, si tant est qu'un voyageur daigne en laisser un autre.

Elle plissa les yeux, concentrée, appliquant la dernière touche de colle sur la nouvelle couverture d'un vieux roman d'aventure laissé par un voyageur trente ans plus tôt. Les souvenirs des récits qui avaient fait vibrer la petite communauté revenaient en elle. Tao plaça délicatement le livre sous une presse pour laisser le tout sécher, soulagée d'avoir pu encore une fois sauver un trésor de papier de l'oubli.

Elle poussa un long soupir d'aise en s'étirant, sentant ses muscles engourdis protester après les heures de concentration. Elle laissa son dos reposer contre le dossier rigide de sa chaise, profitant de ce moment de répit. Un coup d'œil par la fenêtre lui confirma que la journée avançait doucement. Le ciel gris, typique, enveloppait Brumevent d'une lumière diffuse et mélancolique. Le village était toujours aussi paisible, seulement ponctué par le doux murmure du vent qui s'infiltrait entre les arbres aux feuilles dorées. Elle se leva pour préparer de l'eau sur le poêle, rêvant déjà d'un bon thé réconfortant. Il restait encore quelques heures avant que les enfants ne sortent de l'école et ne viennent chercher leurs livres pour la soirée, avant de rejoindre leurs familles pour préparer le souper. Tao appréciait ces moments où le village s'animait un peu.

Alors qu'elle versait l'eau bouillante sur les feuilles de thé, un bruit soudain la fit sursauter. La porte d'entrée s'ouvrit lentement, laissant entrer un souffle de vent glacial. Tao se retourna avec un sourire accueillant, heureuse d'avoir un peu de compagnie en cette après-midi si tranquille. Mais son sourire se figea légèrement lorsqu'elle reconnut la silhouette imposante de l'homme qui franchissait le seuil. Son cœur s'emballa en le voyant. C'était lui. Le pirate de la veille.

— Bienvenue, articula-t-elle avec une tentative de calme, bien que sa voix trahissait un léger tremblement. Comment puis-je t'aider ?

Le brun, plus imposant encore dans la lumière tamisée de la bibliothèque, semblait plus détendu sans son arme à la ceinture. Sa main reposait négligemment dans la poche de son pantalon, ce qui apaisa quelque peu les craintes de Tao. Bien qu'il n'ait montré aucune intention hostile la veille, il restait un pirate, et les pirates étaient rarement des visiteurs anodins. Nul ne savait vraiment ce qu'ils venaient chercher sur l'île.

— J'aimerais une carte de l'île, répondit-il d'une voix grave. L'aubergiste semblait penser que tu en avais.

Tao hocha la tête, essayant de masquer sa nervosité. Effectivement, elle en possédait plusieurs, mais la méfiance restait de mise. Brumevent était trop vulnérable pour qu'elle prenne le risque de révéler des informations cruciales à des étrangers, aussi charismatiques soient-ils.

— Tu peux t'installer ici, dit-elle en désignant une table au fond de la pièce. Je vais te chercher ça.

Elle disparut dans l'arrière-boutique, où les cartes étaient soigneusement rangées dans une pochette cartonnée. Son doigt effleura brièvement les plus précieuses, celles qui contenaient les détails exacts des labyrinthes de grottes et des chemins de fuite, avant de les écarter avec précaution. Elle ne pouvait pas compromettre la sécurité de Brumevent, même pour les beaux yeux du pirate. Tao choisit des cartes moins précises, certaines fausses, d'autres datant de plusieurs décennies.

— Voici, dit-elle en revenant et posant la pochette sur la table devant lui. Les deux du dessus sont les plus récentes. Les autres datent d'au moins deux décennies.

Le pirate hocha la tête sans dire un mot, attrapant la première carte avec une attention méticuleuse. Il l'étudia longuement, jetant des coups d'œil réguliers à son carnet de notes. L'atmosphère se tendit progressivement. Tao, observant la scène de loin, sentit une angoisse sourde monter en elle. Puis, brusquement, les sourcils du pirate se froncèrent, sa mâchoire se crispant légèrement. Un sourire, à peine perceptible, se dessina sur ses lèvres.

Tao se figea. Il avait compris.

— Tu n'as rien d'autre ? demanda-t-il, la voix plus dure, tranchant à travers le calme de la bibliothèque.

Le pirate s'était levé et s'avançait lentement vers elle. Tao sentit son estomac se nouer, comme une souris acculée face à un prédateur.

— Tes cartes sont toutes fausses, déclara-t-il sans détour.

— Je... ce n'est pas possible, balbutia-t-elle en essayant de gagner du temps. Ces cartes sont mises à jour régulièrement, et...

Le pirate plongea son regard d'acier dans le sien, s'approchant jusqu'à effleurer son oreille. Sa voix basse et rauque la fit frissonner.

— Tu ne sais vraiment pas mentir, murmura-t-il. Inutile d'en dire plus. Montre-moi les vraies cartes.

— Je...

— Elles sont dans l'autre pièce, je présume, soupira-t-il, l'air presque amusé.

Avant même qu'elle ne puisse réagir, il la contourna avec une aisance désinvolte, se dirigeant vers la réserve. Tao, pétrifiée, n'eut d'autre choix que de le suivre. Il fouilla les lieux avec une assurance déconcertante, mettant la main sur les cartes précieuses en un rien de temps. Ses mains commencèrent à trembler, et elle se mordit la lèvre en sentant les larmes monter. Elle avait échoué. Brumevent était en danger.

Le pirate cessa de prendre des notes et releva les yeux vers elle. Son expression, auparavant dure, se radoucit en voyant son état.

— Hey, Tao, l'appela-t-il doucement.

Elle se figea, surprise qu'il connaisse son nom. L'aubergiste, bien sûr. Mais cela n'apaisa pas sa crainte.

— L'équipage veut seulement explorer, expliqua-t-il d'une voix plus calme. Il paraît qu'un trésor de pirate est caché ici depuis cinquante ans. On ne va rien faire d'autre que fouiller un peu.

— Vous n'allez pas piller le village ? demanda-t-elle, la voix tremblante.

— Non, je te le jure, sur mon honneur, répondit-il.

Tao hésita. Les pirates avaient-ils vraiment de l'honneur ? Pouvait-elle le croire ?

— Je m'appelle Ben Beckman, se présenta-t-il finalement, brisant un peu la tension. Et je te jure sur mon nom et mon honneur que ton île ne risque rien. Ça te paraît plus juste comme ça, non ?

.

Ben est trop malin pour se faire avoir comme ça, sorry Tao ! 

31 jours à Brumevent || Ben BeckmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant