HELL'S EAGLES Reviens moi

Chapitre 29

Ambre

Le soleil n'est pas au rendez-vous aujourd'hui, mais je doute que quiconque ici l'ait remarqué. Même le ciel pleure la disparition de Lynx. La pluie tombe sans arrêt, comme si la terre elle-même voulait rendre hommage à celui qu'on enterre aujourd'hui. Ce temps de merde colle parfaitement à l'ambiance.

Lynx, était plus qu'un frère du club, pour moi, il était de la famille. Sa présence avait quelque chose de rassurant, comme un roc au milieu de la tempête. Toujours là pour les autres, discret mais efficace. Aujourd'hui, il est parti, et on se tient là, sous cette pluie battante, essayant de rendre hommage à tout ce qu'il a été pour nous.

Tout le monde est venu. Des frères de clubs venus de partout, des coins les plus reculés du monde. Certains que je ne connais même pas, mais que Lynx avait marqué par sa loyauté et de son dévouement. Il y a même des militaires. Lynx avait peut-être rendu l'insigne, mais l'armée ne l'avait jamais vraiment quitté. Il restait en contact avec ceux qui avaient combattu à ses côtés. Ils sont là aussi, debout sous la pluie, impassibles, rendant hommage à leur frère d'armes.

Les hommes du club sont rassemblés, silencieux. Chacun a sa manière de gérer la douleur, mais dans leurs regards, je vois la même tristesse que celle qui m'envahit. Spank est à la tête du cortège, comme toujours. Sa silhouette imposante se dresse, immobile, mais je sais que lui aussi est touché en plein cœur. Juste derrière, Vipter, son bras droit, devrait prendre place, mais avec sa jambe encore immobilisée, il suivra dans un pick-up. C'est Pyro qui le remplace, son expression dure, impénétrable, comme toujours. Mais je le connais assez pour deviner qu'il souffre, lui aussi. Ce n'est pas parce qu'il ne montre rien que ça ne le ronge pas à l'intérieur.

Je jette un dernier coup d'œil au long cortège de motos qui se prépare. Les moteurs grondent malgré la pluie, formant une symphonie sourde et grave. La pluie continue de tomber, s'écrasant sur les casques et les vestes de cuir, mais personne ne bouge. C'est la tradition, et on l'honore, peu importe la météo. Lynx mérite cet hommage, et bien plus encore.

Je vais prendre le SUV pour m'occuper des enfants. Je me glisse dans la voiture, jetant un regard à travers le pare-brise embué. La pluie ne faiblit pas, elle s'intensifie même, comme si elle tentait d'effacer tout ce que cette journée représente. Mais rien ne pourra effacer Lynx de nos mémoires. Pas la pluie, pas le temps, pas même la mort.

Je tourne la clé, et le moteur ronronne doucement. Mon cœur est lourd, et chaque respiration me rappelle à quel point cette perte est immense. Je n'ai pas encore réussi à pleurer. Pas vraiment. Peut-être que ça viendra plus tard, peut-être pas. Les larmes ne sont pas toujours la réponse, même si parfois, elles soulagent un peu le poids qu'on porte à l'intérieur.

Je suis le cortège de loin. La file de motos s'étire, longue et imposante, leur présence marquant la route comme une déclaration. "Lynx était des nôtres, et il le restera à jamais."

La pluie tambourine encore, mais ça n'a plus d'importance. Je suis là, sur cette route, avec eux. Et on avance, ensemble, pour honorer notre frère.

Appoline

La pluie tambourine contre le toit du SUV. assise à côté de ma mère, je regarde les gouttes dévaler la vitre, traçant des chemins irréguliers sur la surface du pare-brise. Ce n'est pas juste de l'eau qui tombe du ciel aujourd'hui, c'est comme si le monde entier pleurait avec nous. La disparition de Lynx me frappe en plein cœur, mais je sais que la vie n'est jamais toute rose. La mort, je l'ai déjà vue de près, il y a des années, quand mon père est parti. Ce foutu cimetière me rappelle ce jour-là. Les mêmes tombes, la même odeur de terre mouillée. Je me souviens de chaque détail, de la façon dont tout semblait s'écrouler autour de moi alors que le monde continuait à tourner, implacable.

Aujourd'hui, c'est un autre membre de la famille qu'on enterre. Lynx, un frère pour tous ceux qui sont ici, un homme aimé et respecté. Sa mort, comme celle de mon père, laisse un trou béant dans nos vies, un vide que rien ne pourra jamais combler.

Dans la voiture il règne une certaine tension, ma mère ne parle pas, mais je sais que c'est tout aussi difficile pour elle. Lynx faisait partie de ce cercle, de cette famille de bikers qui nous a pris sous son aile après la mort de mon père. On l'aimait tous.

Nous arrivons au cimetière, et je prends une profonde inspiration avant de descendre du véhicule. Mes pieds s'enfoncent dans la boue, la pluie ne s'arrêtant pas une seconde. Comme si elle voulait laver la douleur, mais ça ne marche pas. Je me sens aussi lourde et écrasée que jamais. Alors que je marche derrière ma mère, je scrute la foule de motards, tous venus rendre un dernier hommage. Des frères venus de clubs du monde entier, même des militaires, anciens frères d'armes de Lynx. Il avait quitté l'armée, mais il n'avait jamais coupé les ponts avec eux. Ils sont là pour lui aujourd'hui, solidaires.

Et puis, au milieu de cette mer de visages trempés et fermés, je l'aperçois.

Liam.

Mon cœur se serre instinctivement. Celui que je connaissais, celui que j'aimais, n'existe plus. Maintenant, il se fait appeler Hunter. C'est étrange comme un simple nom peut changer la perception qu'on a de quelqu'un. Ce n'est plus le Liam avec qui j'ai partagé tant de choses, tant de souvenirs. Il est devenu ce mur de froideur, une version de lui-même que je ne reconnais plus.

Je fais semblant de ne pas le voir, mais sa présence est comme un poids sur mes épaules. Il est là, sous la pluie, le visage dur et impassible, comme s'il ne ressentait rien. Peut-être qu'il ne ressent plus rien, qui sait ?

Mais moi, je ressens tout. Trop. C'est insupportable. J'ai envie de courir vers lui, de me jeter dans ses bras comme avant. Mais je ne le ferai pas. Pas aujourd'hui. Je ne veux pas lui montrer que j'ai encore des sentiments pour lui, que je suis encore accrochée à ce passé qui ne reviendra jamais.

Alors que je lutte contre mes émotions, je sens une présence à mes côtés. Ma sœur, Jade. Elle a toujours su quand j'allais mal, même sans un mot. D'un coup de coude léger, elle attire mon attention. Je tourne la tête vers elle, et elle me sourit, ce petit sourire en coin qui annonce qu'elle va me dire quelque chose d'inattendu.

— Tu sais, Liam est un vrai connard, me dit-elle d'une voix douce mais ferme. T'as vraiment pas besoin de ce genre de mec. Sérieux, t'as vu à quel point il se la joue mystérieux ? Ça devient ridicule. Toi, tu mérites tellement mieux que ça.

Je ne peux pas m'empêcher de sourire, même si une partie de moi se tord encore de douleur à l'idée de l'oublier. Jade a ce don pour me ramener à la réalité, pour me rappeler que je suis plus forte que ce que je crois. Elle continue, essayant de me faire rire, comme toujours.

— Franchement, ne t'inquiète pas pour lui. Si ça se trouve, il est devenu Hunter juste parce qu'il s'est fait virer d'un club de tricot clandestin. Je parie que son nouveau nom, c'est juste pour couvrir le fait qu'il a perdu un concours de crochet.

Je pouffe de rire malgré moi. La scène qu'elle décrit est tellement absurde que ça fonctionne. Elle a réussi à me faire rire, même dans ce moment lourd de tristesse. Jade est une lumière dans ce tunnel sombre, et je la remercie en silence.

— Merci, murmuré-je en essuyant discrètement une larme qui s'est mélangée à la pluie sur mon visage.

— Toujours là pour toi, me répond-elle en me donnant une tape sur l'épaule. Et sérieusement, les garçons, c'est comme des motos : s'ils tombent en panne, trouve-en un autre. Y'a toujours une meilleure option quelque part.

Je souris encore, cette fois un peu plus sincèrement. Jade a ce don pour rendre les choses plus légères, et je suis reconnaissante qu'elle soit à mes côtés aujourd'hui. Même si la perte de Lynx est dure pour nous tous, même si la douleur de revoir Liam... Hunter... est encore vive, je sais que je ne suis pas seule. Je peux compter sur ma sœur pour me sortir la tête de l'eau.