HELL'S EAGLES Reviens moi

Chapitre 30

Léana

Je suis là, debout sous la pluie battante, trempée jusqu'aux os, mais je ne ressens même pas le froid. Je ne ressens rien, à part ce poids écrasant sur ma poitrine, Lynx est mort. Et je n'arrive pas à me faire à l'idée que je ne pourrais plus jamais le sauver. C'est absurde, non ? Une part de moi refuse de l'accepter, comme si c'était encore possible de faire quelque chose. Je suis venue ici, à cet enterrement, avec l'espoir de... je ne sais même pas. Peut-être de trouver un sens à tout ça. Mais tout ce que je ressens, c'est une culpabilité qui me ronge de l'intérieur. J'aurais dû le sauver. C'est pour ça que je suis là, non ? Pour sauver des vies, pas pour les voir s'éteindre.

Mais il n'y a rien que j'aurais pu faire. Et pourtant, je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est à cause d'eux, à cause des Hell's Eagles. Ils l'ont entraîné dans ce merdier. Ils sont la raison pour laquelle il n'est plus là aujourd'hui, et je leur en veux tellement... Je leur en veux, mais je sais aussi que ce sont les seuls qu'il considérait vraiment comme une famille. Et je les vois là, tous alignés, chaque membre du club dépose un objet sur le cercueil. Un objet qui leur rappelle Lynx. Un geste symbolique, quelque chose de personnel. Une part d'eux qu'il emporte avec lui.

Je les regarde un par un, silencieuse. Certains déposent des pièces de moto, d'autres des patchs, des médailles, des souvenirs de leurs moments passés ensemble. Chaque geste est chargé de sens. Et moi, je suis là, les mains vides, incapable de faire quoi que ce soit. Je me sens stupide, je n'ai rien apporté. Comme si, en venant ici, je n'avais pas vraiment compris ce que ça signifiait de dire au revoir à quelqu'un comme Lynx. Il méritait mieux. Je devrais avoir quelque chose pour lui, mais... je n'ai rien. Juste cette culpabilité qui me ronge.

C'est alors que Pyro s'approche de moi, silencieux, comme toujours. Il ne dit rien, ne me demande rien. Mais il tend sa main vers moi. Je fronce les sourcils en voyant ce qu'il me donne : une balle de fusil. Je la prends, un peu hésitante, et je le regarde, cherchant à comprendre. Pourquoi une balle ? Pourquoi me la donne-t-il à moi ?

— Pourquoi tu me tends ça ? C'est... une balle de SR 25 ?

Il fronce les sourcils me regarde droit dans les yeux avant de faire apparaître un léger sourire en coin, le genre de sourire qu'il a quand il sait quelque chose que personne d'autre ne sait. Puis il m'explique, d'un ton calme, presque comme s'il se moquait gentiment de Lynx.

— Ce que Lynx aimait par-dessus tout, après sa moto et les filles, c'était son fusil. Quand il était en mission, il dormait littéralement avec. Je te jure, il emmerdait tout le monde avec ce truc. Fallait toujours qu'il soit protégé de l'eau, des intempéries... une vraie obsession. C'était son bébé.

Je ne peux pas m'empêcher de rire. Une petite étincelle de légèreté, au milieu de toute cette tristesse. Je l'imagine parfaitement Lynx, avec son fusil, veillant dessus comme s'il s'agissait d'un trésor inestimable. Toujours à l'affût, toujours à protéger ce bout de métal comme s'il en dépendait.

Je serre la balle dans ma main, me rendant compte à quel point le geste de Pyro est plein de sens. Il ne m'a pas donné juste une balle. Il m'a donné un souvenir de Lynx, une part de lui que je ne connaissais pas vraiment. C'est un petit morceau de son histoire, de ce qu'il était, et ça me touche bien plus que je ne l'aurais pensé.

Et là, au milieu de tout ça, je réalise que Pyro est le seul qui arrive, sans même le vouloir, à me faire penser à autre chose. Juste en me racontant une petite anecdote, en me tendant cette balle, il a réussi à me sortir de cette spirale de culpabilité et de tristesse. Il m'a fait sourire. Peut-être que je n'aurais pas pu sauver Lynx, mais au moins, je peux garder son souvenir vivant. Et c'est déjà quelque chose.

Je le regarde, Pyro, toujours là, silencieux mais présent. Il n'a pas besoin de dire grand chose pour que je comprenne. Il est là, et il sait.

Tracker

Je regarde autour de moi, nous sommes tous là quand le cortège de motos derrière le corbillard s'étend sur plusieurs kilomètres cela m'a parue surréaliste comme dans un de mes cauchemars mais la après les dernières paroles de l'officiant c'est comme si une partie de moi-même partait avec Lynx. Combien de fois avons-nous bossé en binôme, dans des situations où la mort était présente ? Trop de fois pour les compter. Et maintenant, c'est fini.

Je sais que son meurtrier est mort. Je sais que justice a été faite, mais ça ne change rien. Ça n'apaise pas la rage que je ressens contre ce foutu cartel. Ces salopards nous ont pris Lynx. Ils ont brisé quelque chose dans ce club, quelque chose qu'on ne pourra jamais réparer. Peu importe combien de têtes sont tombées, cette rage ne s'éteindra jamais complètement.

Alors que le cortège commence à se former, je sens mes muscles se tendre. La tradition veut qu'on rende hommage comme il se doit à un frère tombé. Après tout, Lynx mérite qu'on fête sa vie, qu'on se souvienne de tout ce qu'il a apporté. Pourtant, une part de moi n'est pas prête à passer à autre chose, à faire comme si tout allait bien. Mais c'est ce qu'on doit faire. C'est ce que lui aurait voulu. Alors je monte sur ma moto, prêt à suivre le convoi jusqu'au bunker.

Mais avant de démarrer, je les aperçois au loin. Vipter et Séléna. Ils avancent lentement, Séléna soutenant autant qu'elle le peut Vipter, malgré ses propres blessures. Elle est encore marquée de plaies et d'ecchymoses. Ça se voit qu'elle a pris cher, mais elle ne lâche rien. Vipter, de son côté, traîne sa jambe blessée, avec cette botte de marche qui l'handicape. Lynx est mort pour eux. Il a sacrifié sa vie pour qu'ils puissent avoir une chance d'enfin vivre leur amour au grand jour. Et putain, même si je suis en colère contre le monde entier, je sais que c'était ce qu'il fallait faire. Lynx a fait le bon choix, c'était un vrai frère, jusqu'au bout.

Je me dirige vers eux, et je viens prendre place de l'autre côté de Vipter, pour alléger un peu la charge de Séléna. Elle me lance un regard reconnaissant, mais je ne dis rien au début. Les mots sont difficiles aujourd'hui, même pour moi. Mais, bordel, je ne peux pas laisser cette lourdeur peser sur nous tous. Lynx aurait détesté ça. Alors, je glisse une blague, une truc pour alléger l'atmosphère.

— Hé ! Vipter, tu deviens vieux, mon pote. Peut-être que les combats, c'est plus vraiment pour un gars de ton âge, tu ne crois pas ?

Séléna étouffe un petit rire. Et Vipter, me balance un regard noir, mais je vois le coin de ses lèvres se soulever.

— Vieux, hein ? Tu veux voir si je suis encore agile, Tracker ? Parce que j'peux encore te foutre mon poing dans la gueule si tu continues à me traiter de vieux con, grogne-t-il en me jetant un coup d'œil en coin.

Je rigole, et pour la première fois aujourd'hui, ça me fait du bien. C'est un rire amer, un rire plein de peine, mais un rire quand même. Et putain, ça fait du bien de sentir quelque chose d'autre que cette rage brûlante qui me ronge.

Séléna secoue doucement la tête.

— Moi aussi, je t'aime Tracker. Mais on sait tous les deux que c'est juste une façon de cacher ta peine, dit-elle, avec un ton doux mais plein de vérité.

Ses mots me frappent plus fort que je ne voudrais l'admettre. Elle a une raison. Derrière mes vannes, je me protège. C'est toujours plus facile de balancer une connerie que d'affronter ce vide, cette douleur qui ne partira jamais vraiment. Lynx était plus qu'un frère pour moi. C'était un partenaire, un ami sur qui je pouvais compter. Et maintenant, il n'est plus là.

Mais en regardant Vipter et Séléna, je me rends compte que son sacrifice n'était pas vain. Il a donné sa vie pour qu'eux puissent vivre la leur. Alors, ouais, je me sens comme de la merde aujourd'hui. Mais je ne laisserai pas ça me détruire. Je dois continuer, pour lui. Lynx aurait voulu qu'on garde la tête haute. Et pour lui, je vais le faire.

— Ouais, c'est pour ça, Séléna. Je fais toujours des blagues de merde quand je suis à bout, dis-je en souriant à moitié. Mais ne t'inquiète pas, je vais tenir le coup.

Elle me lance un regard appuyé, comme pour me dire qu'elle sait. Que tout le monde sait, en fait. Mais elle ne dit rien de plus. Parfois, les mots ne sont pas nécessaires.

Alors que le convoi démarre, je monte sur ma moto, prêt à suivre le cortège. On va lui rendre hommage, comme il le mérite. Parce que même si la douleur est là, même si la rage ne me quitte pas, je sais que Lynx nous a laissé quelque chose de précieux. Et je ferai tout pour l'honorer, jusqu'au bout.