XXXIII - NOSOTROS

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NILAJA

Connaissez-vous la douleur d'être confronté à un traumatisme enfouie ? Un événement gravé au fer rouge votre mémoire, mais qui ne peut pas en sortir sous prétexte que sa légitimité n'existe pas ? Sous prétexte que son impact sur le monde extérieur n'est pas assez grand pour être qualifié comme important ?

Bienvenue dans ma vie.

Je n'ai plus jamais évoqué le cauchemar que m'a fait vivre Alexander depuis son séjour à l'hôpital.

Il faudrait dire que personne n'a voulu savoir comment je me sentais. Si j'avais été blessée psychologiquement ou juste chercher à me rassurer en raison de cette amnésie traumatique.

Il est la victime. Peu importe ce que je dirais, il restera le martyr de la situation, le prisonnier de ce trouble.

Dans ces conditions, quelqu'un aurait l'amabilité de m'expliquer comment je devrais me sentir lorsqu'il a débarqué dans le réfectoire ce soir ?

Quand son arôme fétide de fruits rouges à titiller mon odorat, j'ai crû rêver. Après tout, un sens sur cinq peut être trompeur.

Ce jusqu'à ce que sa chevelure châtaine passe sous mon nez, prête à aller saluer tous les collègues qui n'ont apparemment pas supporté de passer un mois sans leur patron. Quel matamore !

La joie peinte sur le visage me répugne. Le perçoivent-ils vraiment tous comme un héro ? Alors que je n'arrive pas à me défaire de cette image qui me provoquerait des paralysies du sommeil ?

Incapable de l'affronter face à face, mes jambes m'emportent jusqu'aux toilettes, là où j'ai croisé la seule personne que j'ai tenté d'éviter durant toute la soirée.

Tenemos que hablar, me darde-t-il en pénétrant dans la pièce.

Bon sang et maintenant je vais me faire gourmander par mon patient ?

Ce dernier s'assure que personne ne se trouve dans les parages avant de fermer la porte derrière lui d'un geste furtif.

Désorientée, je l'analyse lui et ses mouvements précipités sans oublier de reluquer sa tenue.

Le noir est sa couleur. J'adule la manière dont cette couleur épouse la dorure de sa peau. Encore plus lorsque ses dessins restent visibles sur son corps...

—  Mais qu'est-ce que tu fabriques ? je le questionne, inquiète.

Cet endroit me parait soudainement si clos et intime...

—  Comment se passe ta soirée avec ton cavalier ? me lance-t-il en retour.

Sérieux ? On va vraiment patiner sur cette piste là ?

— Tu parles de Logan ? je feins l'ignorance.

Nous... enfin j'ai passé tout mon temps à oublier ton existence et la première chose que tu me fais en me croissant enfin, c'est prendre la température ?

Il hoche légèrement la tête, comme s'il confirmait sa propre question sans que son regard versatile ne cesse de s'obstiner sur ma longue robe couleur danger. L'inquiétude et la fine douleur qu'il tente de musser derrière son éternel nonchalance me fruste, d'autant plus que son expression faciale fait preuve d'un laconisme énorme.

—  Qu'est-ce que tu fais, ici ? j'insiste sans tourner autour du pot.

—  Je voulais...

Quelques jurons s'échappent de sa bouche avant qu'il reprenne :

VOLVER A AMAROù les histoires vivent. Découvrez maintenant