XXIX - NAVIDAD

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NILAJA

Ça y est.

Nous y sommes.

Après des semaines de préparatifs, des jours de réunions à m'en casser la voix pour me faire entendre, des heures d'appels téléphoniques avec les meilleurs traiteurs événementiels de la ville, nous sommes finalement le 24 décembre et un sapin est dressé dans mon réfectoire.

Toute l'équipe et les patients ont joué le jeu, tenue classe exigée, tous plus beaux les uns que les autres.

De mon côté, j'ai opté pour une robe d'un bleu profond qui frôle le sol, un contraste avec la lumière de la pièce tamisée par les leds installés tout au long des murs. Entre chic et simplicité, elle ne dévoile pas trop ma peau — si ce n'est pas du tout.

Je pense que mes talons argentées auront raison de moi toute la nuit, mais faute de goût, mes fidèles cuissardes ont dû rester au placard ce soir.

Pour changer, mes cheveux ne sont pas coiffés de façon extravagante. Seules les boucles définies par mon diffuseur tombant en cascades sur mes omoplates méritent d'être admirées avec stupéfaction.

La soirée est en pleine effervescence. Le réfectoire a parfaitement répondu à la demande des guirlandes scintillantes courant le long des murs au grand sapin trônant avec fierté dans le coin de la salle, paré de boules colorées au symbole de Noël.

Comme chaque année, tout le monde semble avoir laissé leurs soucis dans leur chambre. Même si la sécurité est postrée à chaque entrée, l'animation est au rendez-vous.

Et on peut dire que c'est grâce à Jahir et Nassim, inséparables comme toujours, qui ont proposé une petite soirée karaoké en débouché à leur plaisanteries incessantes. En dépit des piètres qualités de chanteurs de chacun, tout le monde participe. 

Le personnel, tout en gardant un œil attentif sur leur mission, joue également le jeu. Dylan est d'ailleurs le premier à sauter sur une table pour casser ses cordes vocales aux rythmes de musiques canadiennes. Quant à Idriss et Rachel, une foulée d'invités les suivent dans une danse en ligne improvisée.

Mes oreilles sont inlassablement attiré par des notes de musiques que je reconnaîtrais entre mille. Cette manière de jouer n'appartient qu'au blond le plus doux que cette Terre ait pu porter.

Le mixage s'est coupé sous les premières vibrations de The Night We Met. L'assemblée entière s'est tournée vers sur le petit spectacle improvisé par Yûri, les mèches couvrant ses émeraudes l'empêchant d'apercevoir le cercle formé autour de lui.

L'émotion palpable que ses cordes arrivent à transmettre atténue progressivement les conversations.

C'est à ce moment-là que pour la première fois de la soirée, mes yeux se permettent de rencontrer ceux de Sebastián qui se tient juste derrière son ami. Et j'ai compris.

J'ai compris que nous avions pensé à la même chose.

— I am not the only traveler.

La douce voix de Samantha rompt notre connexion visuelle. D'un pas assuré, elle se rapproche de Yûri, passant une main sur son épaule pour l'accompagner dans son morceau, surprise et plaisir se mêlent sur le visage de ce dernier.

— Take me back to the night we met, chante-t-elle en se confondant parfaitement avec les accords.

Chaque parole caresse mon épiderme, chaque note éveille en moi des souvenirs trop longtemps refoulé. Nouveau coup d'œil vers le colombien glissé dans une chemise blanche entrouverte sur ses clavicules.

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