XVIII - IDENTITAD

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NILAJA

A l'hôpital, aujourd'hui et comme tous les jours j'ai envie de dire, nous croulons sous l'effort. Avec la blessure de Sebastián et la santé fragile de Fahim, mon devoir d'infirmière en chef a été mis entre parenthèses le temps d'une soirée. Et ça a été suffisant pour retarder la lecture de mes dossiers et la signature de contrats urgents.

Enfermée dans ma caverne, les paperasses paraissent interminables pourtant ça doit faire plus de cinq heures que mon stylo dessine dessus. Les chariots grincent contre le sol derrière les murs, des noms sont hurlés toutes les minutes et les tasses de café que j'ai avalées plus tôt ne parviennent pas à me maintenir en vie.

Ma tête devient de plus en plus lourde, je bataille contre mes propres paupières, les implorant de ne pas se clore avant que je n'achève ma mission.

Mais leur entêtement est aussi grand que celui de leur propriétaire.

Voyant que le combat est perdu d'avance, je ramasse plusieurs chemises, puis m'enfonce vers la salle de pause. La montre à mon poignet indique 17h. Mon corps réclame du repos, seulement du repos.

J'ignore Christopher assis sur le canapé et me sers mon sixième expresso sous le regard de mon meilleur ami grignotant son repas. J'exauce son souhait muet et m'écroule à ses côtés, la tête collée contre le bois froid de la table.

— Je n'arrive toujours pas à reprendre le rythme, je me plains en me massant les tempes.

Le rire bref d'Adonis fuse.

— Tu savais mieux que personne ce que ça impliquait, se moque-t-il en apportant sa fourchette à sa bouche.

Il sait très bien ce qu'il dit puisque c'est à lui, que j'ai confié ma volonté d'obtenir une promotion. Son visage rempli d'ennui me rappelle de quelle manière je l'ai harcelé afin qu'il puisse discuter avec Morgan à mon sujet.

Nuit après nuit, nous passions la soirée face à mon ordinateur et au PowerPoint, intitulé « Pourquoi Nilaja Lawal serait la meilleure infirmière en chef que Los Miserables aurait recruté », cherchant avec habilité les erreurs, mes talents cachés tout en faisant de mes qualités des hyperboles.

Nonobstant la fatigue du travail, les insomnies parce qu'il rendait visite à sa mère tous les soirs, Adonis n'a jamais manqué une seule de mes présentations et y participait avec une énergie stupéfiante. Et quand la motivation avait pris congé de moi, son discours de psychologue ne manquait jamais de raffermir ma foi en moi.

Nos efforts n'ont pas été stériles.

— Ouais mais par moments, j'aimerais bien faire une pause, tu vois...

J'aspire tellement à cocher toutes les cases de mon devoir de responsable que j'en oublie de prendre du temps pour moi. Si je ne remplis pas tous les codes, je crains qu'Alexander se venge de toutes les fois où j'ai refusé de lui accorder mon attention et en profite pour me remplacer.

L'évaluation ne s'achèvera jamais, je dois me battre et défendre mon titre tous les jours de ma misérable vie.

— Dois-je te rappeler que c'est toi qui a décidé de t'occuper d'Enos ? me rappelle-t-il en balayant ses lèvres d'une serviette. Alors que tu aurais pu être une infirmière lambda.

Je ne suis pas une infirmière lambda, je bave en me redressant. Moi, j'aime mes patients.

Adonis ronchonne, excédé d'entendre ce refrain qu'il connaît sur le bout des doigts. Le cri qui traverse la salle n'est pas le sien et sonne agrément faux dans mes oreilles.

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