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NILAJA

La pluie demeure éternelle sur la petite ville de Marrero. Ses gouttes d'eau nous accompagnent dans chaque étape de notre journée. De la rosée du matin à la levée des étoiles, les parapluies dressés au-dessus de nos têtes ralentissent la grippe et certaines personnes enroulent leur cou d'écharpe, au cas où l'angine aussi déciderait de faire ravage.

Le ciel tourne plus tôt au noir ces temps-ci. Peut-être a-t-il décidé d'afficher au monde entier la teinte vers laquelle vire mon cœur depuis deux années maintenant. Malgré tous les efforts du monde, ma capacité à voir mes journées autrement est faible.

Mes combats sont vains, alors j'accepte mon sort.

Le bonheur n'est pas monnaie courante dans ma famille. C'est sûrement un caractère héréditaire dont toute la descendance Lawal héritera jusqu'à la fin des temps.

Le feu qui sommeille en moi s'est trop longtemps assoupi pour espérer qu'il se rallume un jour. La douleur s'est ancrée dans ma peau depuis des lustres, nous sommes siamoises, l'un n'ira jamais sans l'autre. J'ai bataillé si longtemps, elle ne me quitte plus. Et je ne me sépare pas non plus d'elle.

Parce que si je m'en débarrasse, je n'aurai plus rien à quoi m'accrocher.

Le vent froid accompagne de nouvelles feuilles à s'installer avec aisance sur le rebord de ma fenêtre auprès de celles déjà présentes. Bientôt, une pile orangie réside où une petite famille d'oiseaux vient se réfugier.

Celle qui doit être la mère enlace ses petits de ses ailes réconfortantes, les protégeant de l'orage qui les fait frissonner.

Cette image réchauffe mon coeur fané. L'amour d'une mère, quelle douce mélodie à laquelle je n'ai que très peu goûté.

Si ce n'est Jazmin, parce que j'étais sa belle-fille, Romane, parce que mon père ne lui a pas vraiment laissé le choix, personne ne m'a jamais pris sous son aile comme ce petit oisillon. Je n'ai jamais été le premier choix.

Sauf pour lui.

Mais aujourd'hui, il n'est plus là pour effacer mes craintes.

Un grésillement dans mon talkie-walkie rompt le fil de mes pensées. Cette pièce demeure d'un calme assourdissant opposé au doux tumulte dans lequel se baigne mon cerveau.

Mes deux doigts augmentent le volume de l'appareil et la voix de l'un de mes collègues par la même occasion.

— ... Je répète, code gris.

Les sens en alerte, je quitte mon bureau d'un pas rapide jusqu'à la source du danger. Je n'ai pas eu besoin de la chercher bien longtemps, les cris parlent d'eux-mêmes.

Dylan, Christopher et d'autres collègues tentent de contrôler un énième patient en crise, beaucoup plus agité que les autres. Son visage ne m'est pas familier, j'imagine donc qu'il est nouveau dans l'unité.

— Un schizophrène, m'explique Christopher sans que je n'ai besoin de lui poser la question. Nous avons discuté avec lui à son arrivée mais quand on a évoqué notre "boisson magique", tout est parti en vrille.

Derrière nous, Samantha tente de lui crier des paroles réconfortantes, de lui assurer que nous ne sommes pas là pour lui faire du mal mais qu'au contraire nous souhaitons le conduire jusqu'à la guérison.

Mais ses paroles se perdent dans le tumulte de cette crise. Le sexagénaire continue de crier des mots incohérents qui se mêlent à ses hurlements.

— Ils veulent m'empoisonner, ils veulent m'empoisonner, répète l'homme en boucle, les doigts agrippés dans ses cheveux.

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