ECLIPSE

CHAPITRE 32 - Aurore, quelques jours plus tard

(Hello les girls ! Allez sur Youtube et écoutez "Mylène Farmer - L'âme dans l'eau". Vous comprendrez aisément pourquoi... Bonne lecture !)

Lundi, mardi, mercredi...

Jeudi, vendredi, samedi...

Dimanche...

Je continue de jouer avec mes doigts fins sur la table en ferraille sur la terrasse du Grand Café, en continuant de compter les jours de solitude que je viens de subir, les uns après les autres, en regardant la lumière de mon cœur s'éteindre d'heure en heure.

Lundi...

Mardi et mercredi...

Mes pieds raclent le sol bétonné, dont les quelques irrégularités abîment la semelle de mes Rangers. Cela dit, je n'arrête pas pour autant. Les yeux plongés dans le vide, je ne cesse de ruminer comme une vache. Et les vaches, ça me connait, moi qui vis à la campagne. En attendant, je suis hors du temps, laissant les aiguilles de l'horloge tourner dans le cadran sans chercher à les rattraper.

Oui, nous sommes mercredi, et je ne sais toujours pas où je suis censée aller, ni quel chemin prendre pour rejoindre l'âme de Zayn et enfin parvenir à communiquer avec elle. La seule chose dont je suis certaine, c'est que je vais bientôt devoir prendre la route, malgré mes cernes et le teint blanchâtre de ma peau qui me fait ressembler à un zombie. J'aurais pu passer le casting pour être figurante dans The Walking Dead. Au moins, j'aurais pu gagner de l'argent facile, simplement à l'aide de mon visage morne. Cela vaut certainement mieux que de prendre des photos de mes pieds sur un compte Mym.

Disons que je me respecte mieux, face à celles qui pratiquent quotidiennement la perte de toute dignité... Enfin bref...

— Fais chier... Marmonné-je dans ma barbe, le plus doucement possible, pour préserver les autres clients de mes plaintes abusives depuis une bonne heure.

Je suis enfermée dans un vortex de sensations désagréables depuis quelques jours. Et cela peut s'expliquer très facilement. Mes chers lecteurs... Quelle est vraiment la vie d'une femme, résumée en quelques points ? En fait, je peux aisément me charger de ce cours sur l'humanité dans son plus simple appareil, l'ayant vécu à mon insu, sans vraiment m'en rendre compte. Je relève les yeux en direction de l'immense vitre du café, qui me fait face et donne l'impression de me juger à travers l'image de ma silhouette qui s'affiche sur elle.

Oui, tout est clair.

Extrêmement clair.

Je peux résumer cela en plusieurs points.

Tout d'abord, il y a l'affreuse conviction d'avoir trouvé chaussure à son pied, de placer tous ses espoirs en un seul homme, un unique homme qui semble nous convenir à cent pour cent, qui représente toutes les qualités que l'on est en droit de chercher en eux. Il y a cet amour incommensurable qui enterre autant qu'il élève dans les cieux. Il y a cette passion inconditionnelle qui nous pousse à décrocher la lune et les étoiles une à une rien que pour le voir sourire une fois de plus. Il y a ce besoin intrinsèque de le combler de bonheur, au détriment du nôtre. C'est beau, c'est puissant, ça nous enferme dans une spirale temporelle au sein de laquelle nous ne nous voyons même pas mourir.

Ensuite, il y a le doute, lorsque celle qui a tout donné se rend compte qu'elle n'a peut-être pas autant d'importance que ce qu'elle espérait aux yeux de cet homme en qui elle avait placé tous ses espoirs. Et cela arrive pratiquement à chaque fois... Cette désillusion qui la pousse à passer ses journées à l'attendre, à tel point qu'elle ne se sent plus capable de vivre seule et par elle-même. Elle a besoin de lui, elle le sait, mais a-t-il autant besoin d'elle en retour ? Puis s'ensuit la phase d'acceptation, celle où l'on considère que tout est voué à l'échec. Celle où l'on se rend réellement compte qu'on ne compte pas, que tout n'était qu'un simple jeu d'illusions, un effet d'optique. En général, cette phase voit le jour après que la femme se soit donnée corps et âme, histoire d'ajouter plus de piquant à la situation.