ECLIPSE

CHAPITRE 56 - Aurore, entretemps

Je prends la route avec des idées plein la tête et des larmes plein les yeux.

Or, elles sont loin de me vouloir du bien, ces idées qui ne font que me détruire de l'intérieur. Elles frappent violemment à l'intérieur de moi, et si jusqu'à maintenant je me battais pour reprendre le dessus, je me laisse dorénavant aller, plonger dans mon inconscient qui me tue progressivement, à mesure que je m'éloigne de lui, de celui qui me poussait contre le vent avec une force inouïe.

Je pensais pouvoir supporter.

Pouvoir encaisser.

Au contraire, la force de leurs poings est telle que je me sens progressivement écrasée par le poids trop lourd des responsabilités que j'ai tenté de fuir jusqu'à présent en me cramponnant autant que possible au petit nuage sur lequel nous voyagions depuis quelque temps. Quelle idée ai-je encore eu de faire confiance à un homme ? Dans quel conte de fées me suis-je crue, encore ? J'aurais dû comprendre depuis longtemps que le prince charmant n'existait pas. Pourtant, j'ai toujours eu tendance à remettre en cause la pitoyable condition humaine, et voilà où ça m'a menée. Pourquoi me suis-je lancée aussi facilement en succombant à mes désirs les plus enfouis ? Pourtant, je devrais le savoir, depuis le temps et toutes ces mauvaises expériences accumulées : je ne suis pas faite pour vivre avec un homme. Ni faite pour vivre avec personne, d'ailleurs. À cet instant, mon esprit s'aventure encore plus loin, en se demandant si mon corps est fait pour supporter les caresses de mains masculines et les baisers de lèvres pleines aux reflets divinement virils. Finalement, peut-être que le destin tente de me dire une chose : que je dois rester dans mon coin jusqu'à ce que mort s'en suive.

Les hommes...

Ils sont néfastes et l'ont toujours été envers moi. Ils sont violents. Ils sont manipulateurs. Ils sont faux. Ils se vêtent de leur meilleur costume et de leur plus beau masque aux liserés dorés pour pouvoir nous attirer dans leurs filets, nous les femmes, et nous manipuler comme des poupées de chiffon. Et par-dessus tout, ils sont si attachants que je ne me suis, encore une fois, pas méfiée le moins du monde, fonçant droit sur la falaise. J'ai cru que peut-être, il existait en ce monde un homme différent, capable de m'ouvrir son cœur mais je me suis bercée d'illusions. Jamais il n'a déverrouillé l'écrin de son âme. Jamais.

Il me semble que l'accès à son esprit est comme le Saint Graal. Jamais trouvé, toujours recherché dans les coins les plus sombres et reculés de la Terre.

Mais je l'ai cru, c'est un fait indéniable. Le masque merveilleux de Zéphyr a su conquérir mon cœur de la plus violente des manières, sa voix a su ensorceler la mienne, ses gestes ont su capturer mon enveloppe charnelle de la plus douce des manières. Lorsque j'ai lu dans son regard, même si tout le monde le pensait vide, moi, j'ai su y voir des étoiles briller. J'ai su lire au plus profond de lui, dans les coins les plus reculés de sa conscience. J'ai su percer à jour cette souffrance qui émane de lui et qu'il tente d'éradiquer et de ne dévoiler à personne.

Parce que c'est moi.

Parce que c'est lui.

Encore une fois, parce que c'est nous.

— Oh, stop... Marmonné-je entre mes mâchoires serrées.

J'essaie coûte que coûte de garder la tête froide, de penser à autre chose pour me concentrer sur le peu de route que j'ai parcouru, histoire d'éviter le pire des accidents, mais dans le fond, je ne suis même plus certaine de vouloir rester en vie. J'en suis arrivée là. Rien que pour lui. Parce qu'il était la seule lumière dans mon obscurité, elle qui s'est laissée étouffer avant même d'avoir pu illuminer la totalité de mon ciel intérieur. Dans le couloir de mon esprit et de mes sens, Zéphyr circulait parmi les étoiles et le brouillard, embrasant les différentes bougies de ma route pour me guider, jusqu'à ce que finalement, la falaise apparaisse sans me laisser la moindre occasion de l'éviter.