Lando Norris : The Story Of Us

Track 20

Cécilia Cox

Dimanche 6 septembre 2025, Las Vegas

  Je n'ai pas réussi à dormir, je suis juste restée comme une paumée sur le canapé de l'accueil à écouter de la musique avec mon casque et à regarder dans le vide parce que les images que je ne voulais pas voir ne cessaient de tourner en boucle dans mon esprit et semblaient vouloir me hanter jusqu'à la fin de ma vie.

  Les employés de l'hôtel n'ont pas posé de questions quant au fait qu'une pauvre inconnue restait tristement assise sur leur canapé en cuir qui avait dû leur coûter la peau des fesses, je leur ai juste assuré que Margaux m'avait autorisé à prendre sa chambre et ils ont visiblement choisi de me croire, peut-être parce qu'il était 22 heures quand je suis enfin arrivée à l'hôtel avec ma petite valise et ma petite personne et qu'ils n'avaient pas que ça à foutre avec leurs cernes de trois kilomètres sous les yeux.

  Quand j'ai regardé mon téléphone pour la vingt-sixième fois alors que les douces notes de "Daylight" de Taylor Swift berçaient mon corps endolori et traumatisé, 07:06 s'est affiché sur l'écran, et comme déjà quelques personnes s'activaient pour aller prendre leur petit-déjeuner, j'ai décidé que c'était le bon moment d'aller me prendre mon premier café d'une longue série. Déjà que j'étais aigrie de nature (je ne sais pas si vous aviez remarqué...), alors avec une nuit blanche, j'allais être exécrable tout au long de la journée.

  J'ai confié ma valise à un reuf qui travaillait ici et qui m'avait proposé de la prendre avec toute la gentlemanesse dont il était capable d'éprouver, et pour une fois qui n'était pas un prépubère, puis je me suis dirigée vers le self de l'hôtel, mon casque toujours vissé sur mes oreilles, diffusant cette fois la belle voix de Taylor sur "Dear John". Il fallait dire qu'avec ces traumatismes qui m'empêchaient de dormir, je m'étais refaite tous les albums de Taylor Swift pour faire passer la nuit, chantant parfois même seule dans le hall de l'hôtel, mais suffisamment bas pour qu'un des résidents ne vienne pas m'assommer d'un coup de claquettes dans la gueule.

  J'ai attendu que tous les autres cons lents comme pas possible se servent de la machine à café avec tellement peu d'expertise que j'avais presque envie de leur préparer moi-même pour donc m'approprier une tasse et la fameuse machine, ma sauveuse, pour me préparer mon premier café. Enroulée dans mon châle sur mes épaules telle une vieille prof d'espagnol qui enseigne depuis environ 35 ans, des cernes plus longues que mon avenir sous les yeux, j'attendais et je me délectais de l'odeur très satisfaisante du café qui m'emplissait doucement les narines.

  J'ai pris une brioche avec des pépites de sucre et je me suis installée seule au bout d'une table, contre une fenêtre, laissant mon regard dériver sur le paysage assez plaisant de Las Vegas, car l'hôtel avait la chance d'être en hauteur, et je me souviens encore de la belle vue que j'avais hier soir en y accédant, et même de jour, l'excitation et l'agitation de la ville me donnaient presque un peu trop d'inspiration. J'ai tout de même laissé échapper un soupir qui s'est retranscrit en un fin filtre de condensation sur la vitre. J'ai observé les petites gouttelettes d'eau couler lentement le long de la fenêtre quand j'ai entendu des pas s'approcher.

-Cécilia ! Comment ça va, avec le temps ?

  Je me suis retournée vers la femme enceinte qui essayait de s'asseoir à côté de moi mais visiblement la table ne respectait pas son gros ventre qui portait deux petits êtres à l'intérieur. J'ai esquissé un petit sourire amusé tandis que Rebecca repoussait presque avec violence la table de quelques centimètres afin de pouvoir se hisser confortablement, puis elle a posé son plateau plus rempli que mon avenir, si bien que j'ai écarquillé les yeux.

-Ils ont si faim que ça, les p'tits monstres ? ai-je fait, à la fois amusée et ébahie.

-Puis t'as les connards de cuisiniers qui m'accusent d'avoir dévaliser le self, franchement ils exagèrent ! a-t-elle pesté.