Chapitre 6b

5 2 0
                                    

Le Bastion se dressait fièrement, une petite forteresse partiellement creusée dans la montagne, dominant la vallée des Hautes-Forges. Jadis, cet endroit servait de prison pour y enfermer les brigands et voleurs de la région, à l'époque où les affaires des Hautes-Forges prospéraient. Aujourd'hui, il était laissé à l'abandon, surtout depuis que la troupe impériale s'était installée dans le fort de guerre de Miewart.

L'accès au Bastion ne se faisait que par un petit sentier qui commençait à la périphérie du village, suivi d'un escalier abrupt permettant d'atteindre le sommet de la montagne.

— La jeune fille, Sanaeh, et l'homme qui t'a blessé, Joon, ont été placés là-haut le temps que l'officier impérial prévienne des renforts et que leur dirigeable soit prêt à retourner chez eux, expliqua Noël en marchant. L'officier souhaite aussi profiter de cette occasion pour rassembler les morceaux du vaisseau éledarse, afin d'étudier leurs technologies en laboratoire. Ça fait deux jours que les villageois sont réquisitionnés pour cette tâche.

À ces mots, Aïmar sentit une colère sourde monter en lui. Il aurait voulu frapper Gabriel pour permettre de telles atrocités dans cette vallée, sur ce territoire censé être neutre.

— Et les autres soldats ? Ils ne participent pas ?

— Non, ils ont été enfermés au Bastion eux aussi pour éviter tout incident. Seul l'officier est libre pour l'instant. Il passe son temps soit dans la forêt près du crash pour surveiller les travaux, soit avec Morgan à la Dépêche. Quant au troisième éledarse, Ransyl, il a été placé ailleurs au Bastion. Peut-être parce qu'il est le plus âgé des trois et que l'officier craint l'étendue de ses pouvoirs. Je n'en sais pas plus sur lui.

En approchant de l'entrée, un villageois les accueillit avec un sourire de soulagement à la vue d'Aïmar sur pieds. Il les laissa volontiers entrer. Les éledarses se trouvaient au sous-sol, tandis que les soldats étaient confinés au rez-de-chaussée. Les deux garçons entendirent bientôt les plaintes des soldats résonner dans les couloirs, leurs voix pleines de colère. Ils crachaient sur leur officier et sur leurs conditions de détention. Aïmar se demanda combien de temps ils pourraient se permettre un tel mépris sans en subir les conséquences. Heureusement que leur supérieur ne pouvait les entendre ; sinon, ils auraient été bons pour le fouet.

Le vieil escalier de pierre menait aux niveaux inférieurs. Si de vieilles lampes à gaz ne s'y trouvaient pas, il aurait été difficile de croire qu'il y avait des prisonniers incarcérés dans cet endroit. Le calme envahissait les lieux et l'étroitesse des couloirs rendait l'atmosphère pesante, presque étouffante. Le sous-sol sentait le renfermé et des gouttes d'eau tombaient régulièrement des murs de pierre. Ils prirent le couloir de droite.

Là se trouvaient, dans deux cellules séparées et face à face, Sanaeh, dont le regard perdu ne remarqua que peu leur présence, et Joon, qui se redressa en les voyant arriver et s'approcha des barreaux de sa prison.

— Tu es remis, constata celui-ci avec soulagement.

Son teint de peau surprit Aïmar. Il n'y avait pas spécialement fait attention lors de leur première rencontre dans la forêt. Mais à la faible lueur oscillante des lampes qui brûlaient le long du couloir, il pouvait clairement observer que les éledarses possédaient une peau très blanche. Comme si aucun rayon de lumière ne les avait frôlés au cours de leur vie. Alors qu'ils vivaient si proches du soleil...

Troublé, Aïmar hocha simplement la tête. Joon soupira, baissant les yeux, un air de culpabilité évident sur son visage.

— Je suis sincèrement désolé, reprit-il. J'ai perdu le contrôle et je t'ai blessé. Je ne voulais pas...

Aïmar l'interrompit en levant une main. Il ne lui en avait jamais voulu. La situation l'avait fait dérailler, et perdre ses moyens était facile dans des moments pareils. À sa place, il aurait probablement fait bien pire.

Lumarave I [Fantasy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant