Lumarave I [Fantasy]

Chapitre 4b

Noël avait finalement réussi à rattraper Aïmar, et maintenant, ils couraient côte à côte à travers la forêt, se précipitant vers le lieu où l'appareil en flammes s'était écrasé. Aïmar avait beau lui crier de rester en sécurité aux Ateliers, Noël, plus têtu que jamais, n'en avait rien voulu savoir. Son meilleur ami lui avait répondu sans détour d'aller se faire voir, avant de déclarer qu'il ne le laisserait pas seul.

Le cœur d'Aïmar se serrait de plus en plus dans sa poitrine, sans qu'il en comprenne vraiment la raison. Il ressentait simplement une force irrésistible qui le poussait à aller de l'avant, comme si un rôle l'attendait là-bas. Peut-être les dieux lui envoyaient-ils un signe, ou peut-être en avait-il simplement assez de voir des gens mourir autour de lui. Il avait aperçu un dirigeable aux couleurs de l'Imperium – des couleurs qu'il connaissait trop bien pour ne pas les reconnaître – se poser dans la forêt. Quoi que fût cette immense masse métallique inconnue dans le ciel, les impériaux traquaient déjà les survivants. Et ils ne feraient certainement preuve d'aucune pitié, comme toujours.

Un coup de feu retentit soudain à travers les arbres. Aïmar et Noël échangèrent un regard inquiet, craignant le pire, mais ils continuèrent à courir aussi vite que leurs jambes le permettaient, guidés par la fumée noire qui s'élevait de l'incendie à travers les arbres.

La vue d'Aïmar se brouilla sans prévenir, remplacée par une vision d'une clarté inquiétante. Il vit un homme aux prises avec plusieurs soldats. L'homme se défendait avec habileté, mais il était en nette infériorité numérique. Un soldat parvint à lui asséner un coup de poing en plein visage, le projetant violemment au sol. Sans hésiter, le soldat leva son arme et tira, une balle atteignant l'homme en pleine tête. Était-ce le coup de feu qu'ils venaient d'entendre ? L'homme était-il déjà mort ? La vision s'estompa, ramenant Aïmar à la réalité, juste au moment où des cris perçaient l'air non loin de leur position.

***

Affolé, Joon se précipita vers la petite Husha et chercha désespérément son pouls. Son cœur battait faiblement ; elle était aux portes de la mort. La balle avait frappé son épaule, réduite en lambeaux. Il fallait la soigner d'urgence.

Le soldat qui avait tiré reçut soudain un coup sur la tête, laissant échapper un juron bruyant.

— Tu es fou ! lui hurla son assaillant. Il ne faut pas les tuer, ce sont les ordres ! Ces monstres sont encore jeunes ! Ils valent de l'or ! Tu veux que les supérieurs te fassent la peau ou quoi ?

Le visage blême, le soldat impérial rangea son fusil en bandoulière et dégaina son épée à la place. Les impériaux se dispersèrent alors, se positionnant pour encercler leurs cibles.

Il fallait les arrêter, coûte que coûte. Joon confia Husha, toujours inconsciente, à sa sœur et à Ransyl, qui avaient accouru vers eux. Il n'y avait pas de temps pour réfléchir. Posant ses mains sur le sol, Joon rassembla son énergie magique et la canalisa dans la terre. Le sol se mit à trembler violemment, libérant une onde de choc puissante sous les pieds des impériaux, les projetant à plusieurs dizaines de mètres en arrière.

— Trouvez un endroit pour soigner Husha ! cria Joon à ses compagnons.

— Pas question ! rétorqua Ransyl. Tu ne restes pas ici à les affronter seul !

Ils n'avaient plus le temps de discuter ; d'autres soldats arrivaient déjà. Joon tendit ses paumes vers eux et déclencha un tourbillon d'air qui les projeta violemment contre les arbres. Certains s'écrasèrent sous la force de l'impact.

— Fais-moi confiance, j'ai encore assez de forces, je m'en sortirai !

Ransyl le fixa, cherchant dans ses yeux la certitude qu'il disait vrai. Puis, à contrecœur, il se redressa, portant Husha dans ses bras, et commença à remonter la rivière, Sanaeh à ses côtés.

Seul, Joon faisait face aux soldats qui revenaient à la charge. Mais il ne pouvait se battre sur plusieurs fronts en même temps ; la portée des pouvoirs ancestraux de son peuple avait ses limites, et les impériaux l'avaient bien compris.

Malgré tous ses efforts, il finit par être complètement encerclé. Il continua de les repousser tant bien que mal, créant des tourbillons de poussière pour les tenir à distance. Mais l'un des soldats parvint à s'approcher suffisamment pour lui asséner un violent coup de poing à la mâchoire. Joon fut projeté en arrière et s'écrasa au sol, complètement sonné.

Allongé sur la terre, il sentit le monde vaciller autour de lui, sa vision se troublant et se parsemant d'étoiles. Son esprit lui hurlait de se reprendre, de se relever avant qu'il ne soit trop tard... Mais il était à bout de forces, incapable de bouger le moindre muscle.

C'est alors que le soldat, implacable, prit son fusil, le chargea d'une cartouche et le pointa directement sur lui...

***

Aïmar et Noël débouchèrent enfin sur les lieux du crash, où un combat féroce opposait les survivants à des soldats impériaux. Ils crurent halluciner en voyant un jeune homme roux projeter ses assaillants dans les airs avec une force incroyable, certains se disloquant en heurtant violemment les arbres. Le rouquin avait crié quelque chose à ses compagnons, dans une langue inconnue. Ces derniers, l'un portant le corps inerte d'un enfant, s'étaient relevés et s'étaient enfuis vers le sud.

— Je vais les aider ! s'exclama Noël avant de repartir en courant dans leur direction.

Aïmar, lui, resta figé en voyant l'homme se prendre un violent coup dans la joue, exactement comme dans sa vision... Sans réfléchir, il se précipita vers le soldat qui s'apprêtait à l'achever alors qu'il était à terre. D'un geste rapide, Aïmar arracha l'arme des mains et tua l'impérial d'une balle en pleine tête. Il jeta ensuite le fusil vide, s'empara de l'épée de son adversaire mort, et se lança dans la mêlée, prêt à charger les ennemis.

***

La douleur qui envahissait le visage blessé de Joon était telle qu'il frôlait l'inconscience. Il avait un goût métallique dans la bouche, insupportable après des heures de souffrance.

Un autre coup de feu le ramena brusquement à la réalité. En revenant à lui, il aperçut un jeune homme, sans uniforme de soldat, se battre contre les impériaux. Cet inconnu, totalement étranger à Joon, était en train de le protéger. Son jeu de jambes et ses postures de combat révélaient une aisance remarquable, signe d'une grande habitude à manier des armes.

Mais il y avait autre chose... L'individu contrait avec une incroyable facilité les attaques de ses adversaires, retournant parfois leurs coups contre eux. C'était comme si le combat tout entier n'était qu'une danse parfaitement chorégraphiée. Le tout se déroulait avec un calme et une maîtrise de soi impressionnants pour une telle boucherie.

Malgré une fatigue extrême, Joon parvint à se remettre sur ses pieds et décida d'apporter son soutien en utilisant l'air pour bloquer les coups qui lui étaient portés. Mais la forêt continuait de déverser de nouveaux ennemis. Il fallait mettre fin à cette attaque, une bonne fois pour toutes.

Heureusement, les deux garçons étaient encore à proximité du lit de la rivière. Sans hésiter et puisant dans ses dernières forces, Joon plongea ses mains dans l'eau, soulevant une gigantesque masse liquide. Il la déversa d'un coup sur les impériaux, les noyant sous une déferlante. Les mains toujours plongées dans la rivière, il força l'eau à rester sur eux. Rapidement, les impériaux piégés commencèrent à manquer d'air. L'eau s'infiltra dans leurs poumons, les tuant les uns après les autres.

Lorsque la menace fut éliminée, Joon relâcha la masse d'eau qui s'écrasa lourdement sur le sol, inondant la terre. Un silence pesant s'installa alors.

La pierre de pouvoir logée dans la poitrine de Joon n'était pas habituée à être sollicitée de la sorte. L'énergie magique qu'il avait utilisée avait épuisé toutes ses réserves. La lueur de la pierre faiblit légèrement, et Joon tomba à genoux, exténué et haletant.