Chapitre 1b

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La plateforme des mines était une immense estrade circulaire en bois, installée dans les contrebas du village et entourée par les entrées des tunnels. Les mineurs empruntaient ces passages pour descendre dans les profondeurs obscures de la terre. Cet espace vaste constituait un point de rassemblement crucial pour les hommes et les femmes travaillant ici. C'était là que chacun recevait ses directives du jour, communiquées par Gabriel, le contremaître et chef des Hautes-Forges, et faisait le point sur les récoltes de minerais et de pierres précieuses. Ils profitaient également de ce moment pour prier ensemble, demandant protection et bonne santé avant de se séparer.

Ces prières leur offraient un moment de recueillement. Il y a près d'un an, un effondrement dans un des tunnels avait causé la mort de neuf mineurs, rendant impossible la récupération des corps. La Contrée Libre entière avait été bouleversée par ces disparitions tragiques. Chaque matin, les mineurs priaient donc pour éviter une telle catastrophe, confiant leur sort aux dieux.

C'était également sur cette plateforme que les mineurs prenaient pleinement conscience de la détérioration des affaires aux Hautes-Forges depuis plusieurs mois. Le minerai se faisait de plus en plus rare, rendant l'avenir incertain. Gabriel évitait soigneusement d'aborder ce sujet délicat, probablement pour éviter que d'autres villageois ne quittent la vallée en quête de travail ailleurs, là où ils n'auraient plus à se briser le corps pour si peu. Mais tous avaient remarqué que la locomotive à vapeur, chargée de transporter les récoltes jusqu'aux Ateliers, n'était presque plus mise en service.

Les Ateliers des Hautes-Forges se dressaient sur la colline, dominant le village. Là se trouvaient les grandes forges, imposantes et réputées sur tous les continents et au-delà. On y trouvait également la fonderie générale, les entrepôts, et la manufacture d'orfèvrerie, un trésor local dont la renommée rivalisait avec celle des forges. Les artisans qui y travaillaient avaient suivi une formation rigoureuse et exigeante pour obtenir leurs titres de maître-forgeron ou de maître-orfèvre. Leurs compétences étaient inégalées ; nul autre artisan dans ce monde ne pouvait surpasser ceux des Hautes-Forges.

Dans les temps anciens, les Ateliers des Hautes-Forges étaient renommés pour forger armes et armures destinées aux souverains et leurs armées. C'était une époque de prospérité pour la vallée, où les Ateliers atteignaient le sommet de leur gloire. Les commandes affluaient jour et nuit, attirant de nombreux travailleurs. Mais, avec le temps, l'artisanat avait cédé la place à l'industrialisation, qui s'était développée près des capitales et grandes villes. La production s'était intensifiée et était devenue beaucoup moins coûteuse grâce aux nouveaux procédés métallurgiques. En quelques décennies, les Ateliers avaient vu le nombre de leurs commandes chuter drastiquement. Aujourd'hui, ils luttaient pour survivre grâce aux quelques petites commandes passées par des familles riches et les rares amateurs de cet art ancestral.

Cette baisse d'attractivité et la détérioration de l'économie locale avaient entraîné le départ de nombreux habitants, qui cherchaient du travail dans les villes voisines ou, pour certains, quittant tout bonnement le territoire. Aujourd'hui, la vallée ne comptait plus qu'une population vieillissante, profondément ancrée dans le souvenir de son passé glorieux. Deux tiers des habitants étaient âgés de plus de quarante ans. Bien que quelques nouvelles générations aient récemment vu le jour, elles étaient insuffisantes. Les jeunes de quinze à trente ans faisaient cruellement défaut. Ceux qui étaient dans cette tranche d'âge préféraient fonder une famille dans des régions moins isolées, où la vie était plus stable et l'avenir plus prometteur. Rares étaient ceux qui choisissaient encore de rester dans la vallée jusqu'à la fin de leurs jours.

Lumarave I [Fantasy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant