Aïmar cligna des yeux, incrédule. Ces mots résonnèrent dans son esprit comme un coup de tonnerre. Fuir la cité ? Fuir alors que les siens avaient tant souffert, tant sacrifié pour la protéger ?
— Pourquoi ? demanda-t-il, avide de réponses.
Joon tourna lentement la tête, plongeant son regard dans celui d'Aïmar. Ses yeux étaient maintenant traversés d'une lueur nouvelle, quelque chose d'indescriptible, presque désespéré. Il y avait là une profondeur que le jeune homme n'avait jamais vue, une détresse qu'il n'aurait jamais imaginée dans ces traits implacables.
— Pour être libre... Libre de vivre comme je l'entends, sans être réduit à l'état d'animal, enfermé entre quatre murs.
Un rire étrange, glaçant, résonna dans le couloir. En se retournant, les trois garçons aperçurent Sanaeh, éclatant de rire, son regard noir et colérique rivé sur Joon.
— Es-tu heureux, à présent ? cracha-t-elle amèrement. Voici ta liberté ! Voici ta chère terre promise ! Quel dommage que ce soit encore entre quatre murs que tu doives la goûter !
Elle s'exprimait non pas dans leur dialecte, mais en langue commune, comme pour s'assurer que les humains l'entendent aussi. Joon la fixa, sombre et silencieux.
— Quand je pense que j'ai tenté de te convaincre que notre vie n'était pas si mauvaise, reprit-elle, furieuse. Si seulement je ne m'étais pas réveillée avec ce mauvais pressentiment à ton sujet ! Si seulement je n'avais pas ressenti le besoin de t'aider, une fois de plus ! Si seulement je ne t'avais pas suivie dehors pour...
— Je ne t'ai jamais demandé de m'aider, coupa sèchement Joon. Alors garde ta colère pour quelqu'un d'autre.
Sanaeh sombra dans la colère. Elle se leva d'un bond, s'accrochant aux barreaux de sa prison, les yeux humides de haine et de tristesse.
— Si je ne t'avais pas suivi, Husha serait encore en vie ! Nous n'aurions pas été poursuivies, et nous ne nous serions pas écrasées dans cette maudite région qui attend de nous livrer pour être tranquille ! Tout est ta faute ! J'aurais dû faire comme tout le monde et te laisser tomber !
La colère de Joon explosa à son tour. Se redressant brusquement, il frappa violemment la grille, le bruit métallique résonnant dans tout le couloir et probablement à travers le Bastion tout entier. Malgré sa silhouette svelte, il possédait une force insoupçonnée, comme Aïmar l'avait déjà constaté.
— Si tu n'avais pas été si têtue, tu n'aurais pas insisté pour revenir chercher Husha pendant l'évacuation ! Elle aurait été avec les autres enfants, elle se serait échappée avec eux et serait encore vivante ! Ne me rejette pas la faute parce que tu refuses d'accepter tes propres erreurs ! Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même !
Ils étaient à fleur de peau, leurs émotions vives faisant briller leurs pierres de mille feux dans la pénombre. Sanaeh se figea face aux paroles de Joon, qui, se détournant d'elle, commença à faire les cent pas dans sa cellule, passant une main sur son visage pour tenter de retrouver ses esprits. Les jambes tremblantes, la jeune femme s'effondra au sol, fondant en larmes.
Joon finit par revenir vers eux, apaisé, et s'assit à nouveau. Il soupira, fixa son amie et reprit d'une voix douce.
— Ce n'est la faute de personne, Sanaeh. Personne ne pouvait prévoir ce qui allait se passer. Tu voulais juste la protéger, rester près d'elle. Le lien qui vous unissait était puissant, et je n'aurais jamais dû te le reprocher. Je suis désolé...
Sanaeh essuya ses larmes, le visage marqué par la tristesse et la fatigue. Son regard vide se perdait dans l'obscurité de la cellule, chaque souffle de sa douleur semblant s'enfoncer un peu plus dans l'ombre.
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Lumarave I [Fantasy]
FantasyIl y a des millénaires, l'équilibre fut rompu lorsqu'un mortel s'empara de la source magique : Lumarave. Les dieux, dans leur colère, la brisèrent et la disséminèrent au travers de l'Autre Côté, amenant la magie dans le monde des hommes. Un monde m...