Chapitre 3c

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Les Ateliers désignaient l'ensemble des édifices situés sur la colline des Hautes-Forges. Ce complexe comprenait le bâtiment de la grande forge, la fonderie adjacente, la manufacture d'orfèvrerie un peu plus éloignée, ainsi que les entrepôts près de la voie ferrée. Un petit cabanon abritait une infirmerie d'appoint, mais la principale se trouvait à côté de l'hôtel des ventes, près de la grande place. Cette disposition permettait aux blessés des mines et aux potentiels acheteurs d'éviter de gravir le long et abrupt escalier taillé dans la colline, qui reliait le village au sommet.

Le bâtiment le plus imposant et ancien de la colline était, bien entendu, celui des forges, érigé au centre même du plateau. La grande forge avait été la première installation des Ateliers. Elle avait traversé les âges, ses murs protecteurs ayant été construits, rafistolés, détruits, puis reconstruits à maintes reprises. Ses pierres avaient vu nombre d'artisans saigner en martelant jours et nuits le métal incandescent pour le façonner à la perfection. Près du foyer, une plaque commémorait le nom de chacun d'eux.

Ces lieux chargés d'histoire avaient accueilli une multitude de maîtres forgerons, de toutes origines et de tous horizons. Tous partageaient un point commun : un charisme sans égal, élément essentiel de leur haute et importante fonction ancestrale. Et Hawke, avec son allure imposante et son aura indiscutable, ne faisait certainement pas exception à cette tradition.

Lorsque Aïmar était arrivé dans la vallée sept ans plus tôt, Hawke avait été le premier à se présenter à lui. Ce jour-là, l'homme l'avait accueilli sans hésitation et l'avait conduit directement sur la colline, prenant soin d'éviter toute personne qui aurait pu interroger le garçon sur ses origines. Aïmar lui en avait été profondément reconnaissant. Jamais il n'aurait pu affronter les regards curieux et les remarques indiscrètes des villageois dès son arrivée. Hawke, lui, ne lui avait posé aucune question. Il savait déjà qui il était, faisant partie des rares personnes au courant de son histoire.

Toute la journée, Hawke lui avait fait visiter les différents bâtiments des Ateliers, racontant leur histoire avec la même douceur qu'un conteur racontant une histoire à un enfant pour l'endormir. Il n'avait négligé aucun détail, même le plus insignifiant : les rôles de chaque artisan, le fonctionnement de la plus petite pièce des machines, et chaque étape de fabrication des objets sortant de ces murs.

Comme Aïmar, Hawke était originaire de Heathaven. Peut-être était-ce pour cela aussi que le maître-forgeron l'avait immédiatement pris sous son aile.

Hawke avait peu à peu éveillé la curiosité du jeune garçon, notamment en évoquant l'architecture étonnante de certaines structures de la capitale de Brinadean, qu'ils connaissaient bien tous les deux. Enfant, Hawke rêvait déjà d'entrer dans une forge pour y façonner des merveilles semblables à celles qu'il admirait. Ce rêve l'avait accompagné jusqu'à sa majorité, moment où il avait décidé de quitter son pays natal. Les Hautes-Forges l'obsédaient ; il avait absolument voulu les rejoindre pour y travailler.

La première fois qu'il s'était tenu au pied de la colline, il avait été tellement impressionné qu'il avait décidé d'y rester. Avec son sac de voyage sur les épaules, il avait gravi les escaliers sans vraiment réaliser ce qu'il faisait. Arrivé au sommet, il avait erré autour des bâtiments, observant les artisans travailler le métal et levant les yeux vers les cheminées imposantes de la grande forge, bouche bée, l'esprit ailleurs. Tellement ailleurs qu'il avait percuté de plein fouet le vieux maître-forgeron de l'époque, le faisant tomber violemment à la renverse sous l'impact. À vingt ans, Hawke possédait déjà une certaine carrure, tout l'inverse du vieillard frêle. Cela n'avait pas empêché ce dernier, une fois remis sur pied, de lui coller une sacrée droite. C'est ainsi que Hawke devint l'apprenti du maître-forgeron, puis maître-forgeron à son tour une dizaine d'années plus tard, avant de devenir contremaître des forges, une fois la place vacante.

Pourtant, même si les Hautes-Forges s'étaient imposées à lui comme une évidence, le rêve secret de Hawke était tourné vers un tout autre lieu.

Il existait une cité extraordinaire, dissimulée quelque part dans les Terres Sauvages hostiles, nommée « Havre ». Les rumeurs affirmaient qu'elle était faite d'immenses structures métalliques, érigées grâce à une merveilleuse source d'énergie magique située au cœur d'un volcan toujours actif. Là, l'harmonie entre technologie et nature serait parfaite, la paix régnerait sans maître, et les rêves les plus fous seraient à portée de main. Les forges de cette cité seraient si splendides qu'elles surpasseraient toutes les autres, offrant une vision de vie riche et paisible capable de faire rêver n'importe qui.

Ainsi, bien que Hawke fût pleinement heureux dans la Contrée Libre, son cœur aspirait au Havre, et il donnerait tout ou presque pour le découvrir de ses propres yeux. Aïmar, bien qu'il ne l'ait jamais avoué, avait fini par partager ce rêve. Mais pour lui, la motivation était tout à fait différente...

Lumarave I [Fantasy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant