Chapitre 3d

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Tout en continuant à écrire dans son registre, Noël écoutait discrètement les murmures qui parvenaient à ses oreilles. Les artisans se plaignaient une nouvelle fois des maigres récoltes de minerais. C'était devenu une habitude pour lui d'écouter les messes-basses, une conséquence des mystères entourant son grand-père lorsqu'il veillait tard aux Ateliers ou se montrait subitement distant.

— Les contremaîtres peuvent bien nous dire ce qu'ils veulent, les mines s'épuisent, disait l'un d'eux. Bientôt, il n'y aura plus rien dans ce pays foutu.

— Pourquoi ne partons-nous pas d'ici ? proposa à voix basse un autre. Il n'y a plus d'avenir dans cette région.

— Finalement, ce con de Loïc avait raison, ajouta une femme. Il a bien fait de partir pour les îles. Il doit être riche à l'heure actuelle.

Oonagh interrompit la conversation, ordonnant aux artisans de se remettre au travail au lieu de perdre du temps en bavardages. Elle avait entendu leurs plaintes et, en voyant l'air abattu de Noël, elle lui caressa doucement le dos en signe de réconfort. Noël avait toujours espéré que la vallée s'en sortirait, malgré tout. Pendant longtemps, Gabriel et Fenril avaient tout tenté pour dissimuler le déclin. Mais aujourd'hui, personne ne pouvait ignorer l'aggravation constante de la situation aux Hautes-Forges.

Combien de temps leur restait-il avant la fin... ?

— Il y a peu de récoltes aujourd'hui encore, fit Noël d'un ton presque désespéré en s'adressant à Aïmar.

Ils pénétrèrent dans le bâtiment des forges, où la chaleur intense leur rougit le visage. Aïmar sortit de sa veste une paire de gants de travail, les enfila, puis commença à inspecter les pièces métalliques forgées le matin même.

— Mais nous avons suffisamment de matière pour satisfaire les commandes en cours, tenta Aïmar pour le rassurer. Tout n'est pas encore perdu.

Malgré ses efforts pour paraître optimiste, ses mots avaient une résonance de désespoir, comme un appel silencieux à l'aide.

— Tu veux rire ? Cela ne sert plus à rien d'espérer, reprit Noël. Nous n'avons pas trouvé de pierres précieuses depuis des mois, sans parler des minerais rares et de qualité...

— Tu crois que je ne le sais pas ? chuchota Aïmar en se rapprochant pour éviter que ses collègues n'entendent. C'est moi qui transporte le minerai jusqu'aux Ateliers, je te rappelle.

— Alors tu sais très bien qu'il faut trouver une solution.

— Et tu proposes quoi, petit génie ? Je t'écoute ?

Noël ne voyait que deux solutions possibles. La première était de trouver d'urgence de nouveaux clients. Brinadean était hors du lot, jamais l'Imperium ne se tournerait vers d'autres forges que les siennes.

— Peut-être qu'en allant plus au sud, nous pourrions obtenir un sauf-conduit auprès des bonnes personnes à la frontière, suggéra Noël. Cela nous permettrait de circuler librement et de conclure de nouvelles commandes. Les Terres Sauvages ne manquent pas de richesses, et il y a du minerai dans les montagnes près de la frontière, d'après ce qu'on sait.

Aïmar, excédé, jeta brusquement une pièce à demi-forgée dans les braises. Le bruit sourd du métal frappant la pierre centenaire du foyer résonna dans toute la forge.

— Tu te fiches de moi ou quoi ? s'énerva Aïmar. Tu veux nous faire égorger ? Qu'est-ce qui te fait penser qu'on pourrait conclure des accords avec ces gens ? Ils ne négocient pas avec les étrangers et dépendent le moins possible d'eux ! Et merde, tu connais les termes du traité aussi bien que moi. Si on signe avec les Terres Sauvages, on va se faire étriper par les armées impériales !

Lumarave I [Fantasy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant