The song of Amy

Maury's Party 2

Je me fige, le souffle coupé. Là, dans le canapé au fond du salon, j'aperçois Léandre, son visage nonchalamment tourné vers une fille assise sur ses genoux. Avachi dans les coussins, il sourit, un sourire que je connais trop bien. Un sourire un peu moqueur, presque narquois, celui qu'il a quand il veut impressionner quelqu'un. La fille rit, ses doigts effleurent distraitement les cheveux de Léandre tandis qu'elle se penche pour lui murmurer quelque chose à l'oreille. Son visage est délicat, encadré par de longues mèches brunes et ses lèvres, rouges et pulpeuses, semblent valser entre sourire et moue charmeuse. Léandre ne me remarque pas. Une vague de colère et de tristesse s'abat sur moi, me faisant presque vaciller. Je tente de détourner le regard, mais je n'y arrive pas. Mes poings se serrent malgré moi et mon esprit se noie dans une confusion d'émotions : la jalousie, la déception et cette sensation douloureuse d'avoir été trahie.

Pourtant, une petite voix s'immisce en moi et tente de se faire entendre au milieu du tumulte :

Tu n'as aucune raison de réagir comme ça, Amy.

Et c'était vrai. Léandre ne m'appartient pas, nous n'avons rien défini en tout cas. Sans réfléchir davantage, je me retourne brusquement et traverse le salon. Je ne sais même pas où je vais, j'ai juste besoin de me mettre à l'abri. Finalement, je me réfugie dans une pièce adjacente, vide et sombre, la musique et les éclats de voix lointains. Je ferme la porte derrière moi et inspire profondément, le cœur battant la chamade. Le silence qui m'entoure contraste brutalement avec le chaos de la soirée. La scène à laquelle je viens d'assister est gravée dans mon esprit et je ne parviens pas à l'effacer.

Je m'assieds sur un fauteuil au cuir vieilli et place fermement mes mains contre mes tempes, tentant de stopper la migraine qui monte en moi. L'image de Léandre avec cette fille reste imprimée dans mon esprit. Je me sens ridicule, blessée... et incroyablement en colère.

Après quelques minutes, je me redresse et fixe mon reflet flou dans le verre sombre de la fenêtre. Un élan de détermination me traverse et mon regard se durcit. Il est hors de question que je passe ma soirée à me morfondre ici, seule et cachée. Je reviens dans le salon d'une démarche assurée. Ce soir, s'il doit me croiser, ce sera de face, sans honte et sans détours. À cet instant, je n'ai plus qu'une seule idée en tête : oublier Léandre, au moins pour cette soirée. Je me dirige vers le bar, me sers un premier verre que j'avale rapidement. Puis un deuxième, plus lentement cette fois, en laissant l'alcool calmer les tensions dans mon corps. Bientôt, je sens une chaleur m'envahir, brouillant un peu plus les contours de la réalité. À chaque gorgée, les tensions se dissipent et une sensation presque libératrice m'envahit. Je suis légère, désinvolte.

Après avoir enchaîné les verres, je décide de me rendre aux toilettes et espère secrètement pouvoir me recentrer. Mais alors que j'arrive devant la porte, je tombe nez à nez avec l'ennemi public numéro 1. Léandre sort, visiblement pris de court. Son regard croise le mien et une lueur de gêne traverse son visage, comme s'il réalisait soudainement l'impact de ma présence ce soir. Il me regarde, un sourire forcé sur le visage.

- Amy ! lance-t-il. Je ne savais pas que tu serais là...

Je le fixe, le cœur battant encore trop fort. Ma colère semble renaître avec une intensité nouvelle, encore plus vive et plus tranchante que l'alcool dans mes veines.

- Épargne-moi tes fausses salutations, je rétorque d'une voix glaciale

Il hésite, comme s'il ne savait pas comment répondre. Ce moment de silence entre nous est lourd, chargé de tension. Son sourire vacille, décontenancé et il tente de rattraper la situation avec une pointe d'humour maladroit.

- Euh... j'ai loupé quelque chose ? demande-t-il.

Mon regard s'assombrit et les mots me viennent sans même que j'aie à y réfléchir.