Laissez moi rêver

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- Qui est-ce ? Interroge maman lorsque je passe le seuil de la porte de notre entrée.

- C'est moi, Amy ! m'exclamai-je, essayant de masquer mon trouble.

- Tu as passé une bonne journée, ma chérie ?

Je retire ma large doudoune et mon bonnet en laine que je dépose avec précaution sur le rebord de notre escalier en marbre blanc. La chaleur de l'entrée contraste brutalement avec le froid qui m'a suivie toute la journée.

Aussitôt, je la rejoins dans le salon, je sens mes larmes prêtes à jaillir. Résultat d'une journée épouvantable. Mes émotions, longtemps refoulées, affluent presque à la surface. Je déteste ce sentiment de vulnérabilité, mais il est là, inévitable.

Emmitouflée dans son plaid bleu marine fétiche, je la serre dans mes bras.

- Oh maman, soufflé-je à proximité de son oreille.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? demande-t-elle, posant une main douce sur mon épaule.

Je prends une profonde inspiration, essayant de formuler les mots qui pourraient expliquer au mieux le tumulte dans mon esprit. Mais la journée me revient en mémoire, avec son lot d'humiliations et de petites méchancetés. Léandre et son groupe de camarades. Les éclats de rire qui résonnent encore dans ma tête rendent les mots difficiles à articuler.

- C'était horrible, murmurai-je enfin, ma voix brisée.

- Amy, tu vas bien ?

Elle s'éloigne délicatement puis me regarde, paniquée. Le contraste est saisissant, l'inquiétude étire ses traits et sans que je n'aie le temps de l'arrêter, sa main vient se poser sur mon front.

- Longue journée. Beaucoup trop de littérature en si peu de temps. Rien de grave, ne t'inquiète pas, me reprends-je en me reculant brusquement.

- Ne me refais plus jamais ce coup, tu m'as fait une de ces peurs. Tu n'as pas l'air d'avoir de fièvre, mais ce n'était vraiment pas malin de ta part, m'enguirlande ma mère après avoir retrouvé ses esprits.

- Je suis désolée, je ne recommencerai pas. L'épuisement s'est exprimé à ma place, dis-je en souriant timidement et en tentant de désamorcer la tension.

- Tu dors mieux en ce moment ? s'empresse-t-elle de me demander, le regard scrutateur.

- Oui, beaucoup mieux.

Ce n'était pas réellement le cas et j'aimerais lui dire la vérité, lui confier mes tourments, mais j'ai l'impression qu'en le faisant, je mettrais à mal l'équilibre précaire de notre quotidien. La voir aussi inquiète m'a replongée dans un événement passé que je m'efforce d'oublier. Alors, si le mensonge est le meilleur apaisement pour maman, j'en userai à outrance.

- Très bien, mais promets-moi d'être honnête si ça ne va pas. Je suis là pour toi, murmure-t-elle, les yeux pleins de compréhension.

Je hoche la tête, touchée par sa sollicitude.

- Jane n'est pas rentrée avec toi ?

- Non, elle m'a dit de te prévenir qu'elle ne rentrera que pour le dîner, réponds-je, ma faim prenant le pas sur la conversation.

- Ah bon ? Que fait-elle ?

- Elle est avec Marty et Hannah, réponds-je tout en m'éloignant, affamée.

- Marty ? Elle ne m'a jamais parlé d'une Marty.

Je m'éloigne vers la cuisine où l'odeur sucrée des brioches me fait frémir. Je tartine généreusement deux brioches de confiture de framboise.

The song of AmyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant