The song of Amy

Maury's Party

En quelques heures, Jane a transformé l'une des chambres d'amis de nos grands-parents en un véritable boudoir improvisé. La pièce, d'ordinaire si bien rangée, ressemble maintenant à un capharnaüm éclatant de couleurs et de textures. Sur le lit, des vêtements sont étalés et autour de la coiffeuse, un champ de bataille de fards à paupières, de tubes de gloss et de brosses à cheveux s'entassent en désordre. Ma sœur tient un petit miroir de poche dans une main, le regard rivé sur son reflet tout en ajustant ses boucles blondes. Ses gestes sont rapides et précis.

- Dépêche, Amy ! Si tu ne commences pas, on n'aura jamais fini d'ici ce soir, dit-elle d'un ton pressant, un sourcil relevé d'exaspération.

Je la regarde avec un soupir. Jane semble née pour ce genre de soirées, parfaitement à l'aise avec les faux-cils, les talons aiguilles et les robes courtes. Tout ça me semble excessif : la tenue, le maquillage et les chaussures qui me feraient trébucher au moindre faux pas.

- Jane, tu sais que je ne suis pas à l'aise avec tout ça, dis-je d'une voix hésitante. J'aimerais quelque chose de plus simple, tu vois... qui me ressemble.

Elle me fixe avec un air amusé, puis vient poser une main presque rassurante sur mon épaule.

- Amy, parfois, il faut savoir se jeter à l'eau. Ce soir, c'est l'occasion de te lâcher un peu. Et puis, Léandre sera là, rappelle-toi !

À l'évocation de Léandre, un tourbillon d'émotions m'envahit. L'idée de le voir et de croiser son regard m'exalte autant qu'elle m'effraie. Je me sens vulnérable et exposée, comme fragilisée par cette simple pensée. Soudain, toutes les règles de ma mère s'imposent à mon esprit : Pas de décolletés trop plongeants, pas de rapprochement avec le sexe opposé, pas d'alcool, ne jamais accepter un verre de quelqu'un d'inconnu, toujours envoyer un message en fin de soirée pour dire que tout va bien. Elle a des règles pour tout, surtout en matière de tenue et de comportement et ces directives tournent dans ma tête. Ce soir, suis-je prête à les enfreindre ou au moins à les ignorer ? Après tout, je l'ai déjà fait plusieurs fois ces dernières semaines. Une fois de plus, une fois de moins...

Je prends une grande inspiration et finalement me laisse convaincre par Jane. Elle m'a choisi une robe noire, un peu plus courte que celles que je porte habituellement. Après plusieurs essais de coiffure, ma soeur opte pour des boucles lâches et naturelles. Elle applique un peu de mascara sur mes cils, un soupçon de rouge à lèvres sur ma bouche et se recule en souriant d'un air satisfait.

- Voilà, ma chère, ce soir tu vas être presque jolie, dit-elle avec un sourire à la fois triomphant et narquois.

Avant de partir, je m'allonge un instant sur le lit et sors mon téléphone pour envoyer un message à Jamie. Lui est en Floride pour des vacances en famille, bien loin de tout ça. Il s'amuse comme un fou et fait de nombreuses rencontres. Même la relation avec son père semble s'améliorer. Ce dernier l'a emmené voir un match de football américain. Et malgré le manque d'intérêt certain de Jamie pour le sport, il a su apprécier l'initiative. Son absence me laisse un léger pincement au cœur car il sait toujours me rassurer et me ramener à la réalité.

Tu es sur que je dois y aller ?

La réponse de Jamie ne tarde pas. Il n'a jamais été doué pour les textos interminables et préfère appeler. La sonnerie retentit presque aussitôt et je décroche avec un sourire.

"- Salut poupée, détends-toi ! Tout va bien se passer, dit-il avec cette voix qui me manque tant.

Je mets le téléphone en haut-parleur et le pose sur le lit à côté de moi, tandis qu'il continue :

- Allez, Amy ! La soirée ne va pas te manger et puis tu vas t'amuser, j'en suis sûr !

Je souris à ses mots, mais l'inquiétude reste présente. Tout ce maquillage, cette coiffure, cette robe...