- Pourquoi tu me regardes comme ça ? Tu veux une photo ? Un autographe, peut-être ?
Le ton hautain de Léandre me donne la nausée. Son sourire arrogant semble s'étirer à l'infini et je me sens soudainement très petite.
- Une nouvelle groupie pour toi, mon pote ! lance le détestable Jonathan (ex-petit copain de ma sœur adorée), tout en lui tapant dans la main avec un sourire complice.
Ils rigolent à ne plus pouvoir s'arrêter, leurs éclats de rire résonnent dans le couloir. En ce moment, je me demande bien ce qui peut être aussi drôle. Je sens mon cœur s'emballer et je me dis que je suis au centre de cette scène absurde. Puis arrive le moment le plus gênant de ma courte existence, celui où je me rends compte de ma position faciale. J'ai l'air d'un enfant apeuré perdu dans un supermarché, scrutant leurs visages avec un mélange d'anxiété et de désespoir. Mes yeux grands ouverts, valsent de gauche à droite, à la recherche de n'importe quoi qui pourrait me sortir de cette situation.
- Oh, allez, détends-toi ! s'exclame Léandre, feignant un air amical. On ne mord pas, promis.
Bouge, Amy, bouge !
- Tu sais, c'est juste un peu de fun, rien de sérieux, ajoute Jonathan en riant encore.
Fun. Voilà un mot qui me semble totalement décalé. Pour moi, cette situation est tout sauf amusante.
- Euh... non, ça ira, parviens-je enfin à dire, ma voix à peine audible.
Ils me regardent tous les deux, leurs traits tirés par l'incompréhension.
Je dois admettre que le temps écoulé entre sa question et ma réponse a de quoi engendrer de l'amnésie. Une minute ? Deux minutes ? Je ne saurais être précise. Tout semble s'étirer et l'angoisse commence à me nouer l'estomac.
- La photo, l'autographe, non merci, ça ira, répliquai-je, le regard ancré dans celui de mon nouvel ennemi.
- Ouuuh ! Elle t'a tué, là, man ! clame l'abrutie à ma gauche, ses mots résonnent dans le couloir.
Léandre hausse les épaules, un sourire narquois toujours plaqué sur son visage. Il ne comprend pas et je me rends compte à quel point il est loin de ma réalité. Pour lui, tout cela semble n'être qu'un jeu, une façon de se donner un peu plus d'importance.
Sans lui laisser le temps de répliquer, je me précipite, tant que je le peux encore, vers les toilettes réservées aux filles comme si c'était la seule issue possible.
Enfermée dans l'un des cabinets, j'attends sagement que la sonnerie de reprise des cours retentisse, comptant un à un les carreaux présents sur les murs.
Dring, dring, dring...
Le son strident de la cloche me fait sursauter. C'est le signal du retour en classe. Je me lève d'un bond et détale tel un lapin dans les couloirs, ignorant les murmures et les ricanements qui m'accompagnent.
Arrivée dans la classe, je me rue à la place qui m'est attitrée, essoufflée comme si j'avais couru un marathon.
- Eh bien, vous faites du sport durant vos pauses, Miss Stretford ? interroge Monsieur Da Valence, un sourire malicieux aux lèvres.
Les regards amusés de mes camarades se tournent vers moi et je sens mon cœur s'emballer à nouveau. Dieu merci, grâce à l'effort, mes joues sont déjà rouges...
- Je... euh, j'étais en train de... faire un petit tour, balbutiai-je, la voix hésitante.
Malgré ma gêne, j'adresse un sourire poli à Monsieur Da Valence. Le professeur me le rend avec bienveillance puis se replonge naturellement dans son cours. Le récit que nous étudions cette semaine est un classique de la littérature, L'Étranger, le premier roman d'Albert Camus. Peu encline à la lecture, j'ai pourtant dévoré ce livre où l'absurde est de mise. La psychologie du protagoniste est fascinante, l'écriture d'une simplicité et sobriété détonnantes.
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The song of Amy
Fiksi RemajaLe lycée de Milford est en pleine effervescence. L'un de ses élèves vedette vient de décrocher une place pour la finale de « The Artist », l'émission musicale la plus suivie des Etats-Unis. À seulement 17 ans, Léandre Harrison, jeune prodige à la vo...