Chapitre 23

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« Les gens n'acceptent jamais leurs défauts.
Moi, je le ferais, si j'en avais »


Ronron a passé le portail.

Je le sais. Je le sens au plus profond de mon être. Il est là, mais loin. Je pourrais même donner la minute exacte à laquelle il a traversé, étant donné que je l'ai senti glisser loin de moi d'un seul coup. En tout cas, je le pourrais si j'avais une montre.

C'est très étrange comme sensation.

Il est toujours présent, mais je ne capte plus aussi bien ses émotions et j'ai la certitude qu'il se trouve désormais à des centaines de kilomètres de ma position.

Depuis que ce traître m'a lâchement abandonnée après m'avoir fait miroiter de cravacher le pur-sang en vitesse avant le départ — non, mais quelle enflure ! —, je m'active à faire passer toute la colère qui m'anime à travers notre lien.

J'espère sincèrement qu'il finira submergé par mon avalanche d'insultes.

De son côté, il a bien tenté de m'apaiser en exprimant sa repentance à travers l'envoi de quelques vagues d'amour chaleureuses, mais il a fini par arrêter son manège quand il a compris que ma colère ne vacillait pas d'un iota.

Ma nature flemmarde aurait pu aimer l'idée de ne pas avoir à aller me salir les mains dans la bataille, mais faudrait-il encore que je puisse les utiliser ces maudites mains ! Et que l'alternative soit alléchante... Genre, un moment de détente au bord d'une piscine lagon avec un cocktail parasol dans chaque MAIN justement, ce serait pas mal... En tout cas, ce serait nettement plus séduisant que ces satanés menottes en velours sans la partie de galipettes qui va avec !

Raaah ! Je suis furieuse ! Furieuse ! Furieuse !

Je vais lui faire payer sa félonie pour les trente années à venir ! Et, après cette date, il devra passer devant la cour Kali pour que je détermine s'il peut prétendre à une libération conditionnelle ou non.

Qu'il aille bien se faire cuire le cul, cette espèce de gros fécalome ambulant !

— Je suis sûr qu'il a menti.

Et voilà, j'entends des voix. Je savais que j'allais finir par vriller dans une telle situation.

— Déesse, tu es là ?

Je redresse la tête, beaucoup plus alerte.

— Les patapons ? réclamé-je avec espoir.

Rondin enfonce la porte de la chambre la seconde qui suit.

Elle n'était pas fermée à clé, mais ne nous arrêtons pas pour si peu.

— Je le savais ! s'écrie-t-il quand il me voit attachée au lit de façon si peu digne.

Sa sœur apparaît dans son dos et affiche rapidement le même air consterné.

Rondin se précipite vers moi et se met à secouer la tête.

— Je te l'avais bien dit, ma déesse, commente-t-il après avoir forcé sur les menottes pour les casser. Un mâle qui n'offre pas de caillou à sa dulcinée n'est pas digne de confiance.

— Un kerberos va tâter de ma lame aujourd'hui, renchérit Rondelle dans une expression meurtrière.

— Non, l'arrêté-je d'une voix caverneuse. Laisse-le-moi. J'en fais mon affaire.

— L'ennemi a voulu nous faire croire que vous aviez décidé d'un commun accord que tu resterais sagement en arrière suite aux dernières informations reçues, m'apprend Rondin. Mais, nous ne sommes pas dupes. La déesse n'est pas du genre à laisser les autres se salir les mains.

Deka Kerberos - Tome 3 (final)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant