Chapitre 32 - Repartir avec la table

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1924

Agatha et Rio, cherchant à récupérer un grimoire caché dans la collection privée des Deveraux, se rendirent à un dîner organisé.

La lumière tamisée des lustres en cristal baignait la salle de réception dans une atmosphère douce, presque éthérée. Rio jeta un regard à Agatha, qui semblait scruter chaque recoin avec amusement.

Les Deveraux les accueillirent dans leur salon avec une politesse exagérée.

- « Mesdames, prenez place, je vous en prie, » dit Monsieur Deveraux en désignant les fauteuils près de la table à thé. « Nous apprécions toujours ce genre de visites, surtout venant de femmes aussi... »

Rio se raidit légèrement, mais Agatha, comme à son habitude, s'empara de la situation avec une aisance feinte.

- « Vous êtes trop aimable, Monsieur. » Agatha baisa la main qui lui était présentée. » Nous espérons ne pas déranger, bien sûr. Mais votre réputation précède ce lieu. Il aurait été impoli de ne pas vous rendre visite. »

Madame Deveraux servit le thé avec des gestes délicats, son regard scrutateur fixant alternativement les deux femmes.

- « Et vous êtes... des amies de longue date, je présume ? » demanda-t-elle avec une pointe d'insistance.

Agatha esquissa un sourire légèrement mélancolique, jouant son rôle avec brio.

- « En effet. Mon époux, feu Charles Hollis, et celui de ma belle-soeur ici présente, étaient frères. Nous avons trouvé réconfort l'une dans l'autre après leurs disparitions tragiques... à la guerre. »

Rio hocha la tête, serrant la tasse entre ses mains pour dissimuler son malaise.

- « Ce thé est une spécialité familiale. J'espère qu'il saura apaiser vos esprits endeuillés. »

Agatha et Rio portèrent leurs tasses à leurs lèvres. Le thé était doux, délicatement parfumé, avec une pointe d'amertume.

- « C'est délicieux, vraiment, » commenta Agatha, tout en reposant sa tasse.

Agatha continua de parler, enchaînant sur une anecdote charmante à propos d'un village voisin, mais Rio sentit quelque chose changer. Une chaleur diffuse commençait à s'emparer d'elle, montant de sa poitrine jusqu'à ses tempes.

- « Tout va bien, ma chère ? » demanda Agatha, posant sa tasse.

- « Oui... juste un peu... étourdie. »

Rio cligna des yeux. Les contours du salon semblèrent se brouiller légèrement.

Agatha, elle aussi, commença à ressentir une sensation de flottement, mais elle tenta de le dissimuler, souriant encore à au couple.

« Ce thé est... particulièrement fort, » commenta-t-elle, sa voix un peu plus lente qu'à l'habitude.

Madame Deveraux haussa un sourcil.

- « Oh, je suis désolée. Peut-être que nos dosages sont... trop osés pour des palais non habitués. »

Monsieur Deveraux prit la parole, sa voix devenant plus grave, presque solennelle.

- « Vous savez, mesdames, nous avons entendu beaucoup de rumeurs. Des femmes voyageant seules... » Il se saisit du plateau de thé.

- « Que... voulez-vous dire ? » demanda Agatha.

- « Nous croyons en la pureté, mesdames. Nous croyons que certaines influences doivent être... éliminées. Vous comprenez ? »

Agatha, malgré l'engourdissement qui gagnait son corps, essaya de garder son aplomb.

Agatha Harkness - Le procès de la sorcièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant