1959
C’était une de ces journées ordinaires où tout semblait paisible, où les soucis semblaient si loin. Un sourire léger aux lèvres, un pain au beurre de cacahuète serré contre elle, Agatha entra dans le salon.
Elle pensait déjà aux petites mains qui se tendraient pour attraper la collation.
À peine eut-elle franchi la porte qu'une lueur rosée l'aveugla, la prenant totalement au dépourvu.
- Surprise, maman ! cria Nicholas avec un rire innocent, un éclat de magie pure jaillissant de ses mains en direction d’Agatha.
Elle écarquilla les yeux. Ce n’était pas le moment… pas maintenant, pas sans Rio. Nicky savait qu'il ne pouvait pas s'entraîner quand Rio n'était pas là.
C'était elle qui prenait le relais lors de ses entraînements où Agatha restait loin, très loin. Nicholas ne pouvait pas comprendre et elle ne voulait pas lui faire peur avec ça, mais Rio prenant son rôle très à cœur, la présence de sa deuxième maman lui faisait oublier ce désagrément.
Elle sentit une panique sourde lui traverser la poitrine alors que l'attaque de magie la frappait de plein fouet, déclenchant en elle un réflexe incontrôlable. Elle sentit son pouvoir s’embraser, se réveiller comme une bête affamée, se déchaînant, sans qu’elle ne puisse l’arrêter.
La collation glissa de ses doigts et tomba au sol dans un bruit sourd.
- Non, non, non, non…
Elle aurait voulu reculer, mais quelque chose en elle était déjà brisé, relâché. Devant elle, Nicholas avança, tiré par la force inéluctable qui s'emparait de lui. Son sourire s’effaça, son visage si doux se figeant d'abord dans l’incompréhension et la peur.
- Maman… arrête, ça fait mal. Maman… sa voix se brisa, laissant place à un murmure douloureux qui la déchira.
- Nicholas, non… je… je ne peux pas… Divine Mère, je vous en prie... balbutia-t-elle, sa voix rauque et étranglée par le chagrin. Elle voyait les couleurs de la vie quitter son visage. Son pouvoir, ce flux incontrôlable, continuait, comme une marée implacable, drainant chaque once de lumière de son enfant.
Le petit corps frêle tituba, comme s’il cherchait un refuge, un dernier souffle, une issue.
Rio se matérialisa, genoux au sol, prête à accueillir une âme. Elle comprit où son travail l'avait amené au moment même où Nicholas tomba dans ses bras.
- Nicky. Nicky... murmura Rio, la voix brisée.
Nicholas, dans une innocence déchirante, leva les yeux vers elle, cherchant du réconfort, ignorant encore l'ombre qui allait le séparer de ses mères.
- Riri… dis à maman d'arrêter… j’ai peur, Riri…
Rio, le cœur serré, leva une main, projetant Agatha avec une force implacable et emplie d’une souffrance si aiguë qu’elle aurait pu déchirer la réalité.
Agatha fut projetée contre le mur, la douleur physique n’étant rien comparée au déchirement de son âme. Elle se redressa, sonnée. Le mal était fait. Elle le savait. La présence de Rio en était la preuve mais elle ne pouvait l'accepter.
Son regard noyé de larmes fixant l’enfant qui se trouvait maintenant entre les bras de la Mort qui cherchait de l'aide, un moyen de ne pas faire son travail, une quelconque échappatoire dans le regard désespéré de sa bien-aimée.
- Non… Rio, s’il te plaît… ne… ne me le prends pas… pas mon Nicky, pas lui…
Elle rampa, les mains tendues vers lui, l’espoir encore accroché aux débris de son cœur.
Nicholas… Nicky, tu m’entends ? Viens… viens voir maman. Reviens vers moi, mon amour…
Nicholas posa un regard fragile et attendri sur sa mère. Dans un dernier élan d’amour et de tendresse, il leva une petite main tremblante et la tendit vers Agatha, trop loin pour l’atteindre mais assez proche pour que la douleur lui soit insoutenable.
Rio, l’enveloppant de ses bras, secoua la tête, laissant échapper un murmure brisé.
- Agatha… je suis… je suis désolée… Je ne peux rien faire.
Agatha la suppliait du regard, ses mains agrippant le sol.
- Je t’en supplie, Nicholas… viens… viens me voir…
Elle fixait son visage, déjà à demi voilé par le linceul de la Mort, qui lui épargnait, tel un ange, la vision qu'une mère ne devrait voir. Le visage meurtri de son enfant.
Dans un murmure presque effacé, Nicholas, avec la douceur de l’enfant qu’il était encore, posa une main frêle sur la joue de Rio, un geste minuscule mais empli d’une tendresse infinie.
- Riri… maman… elle a mal…
Rio sentit son cœur se briser encore et encore. Elle se redressa, un cri silencieux résonnant au fond de sa gorge.
Ne t'inquiète pas, je vais m'occuper d'elle, murmura Rio d'une voix douce, qui se brisait sous le poids de l'émotion. Elle prit la petite main de Nicholas, la serra doucement, puis se pencha vers Agatha, qui, anéantie, n’avait plus la force de bouger. Les larmes de Rio glissèrent le long de son visage alors qu'elle s’efforçait de garder sa voix calme.
- Je te le promets, Nicky. Je vais prendre soin de ta maman. Mais avant… j’ai besoin que tu fasses quelque chose pour elle.
Doucement, elle déposa le petit corps épuisé dans le creux des bras d’Agatha, qui, malgré la douleur qui la consumait, l’accueillit comme le trésor qui lui serait volé à jamais.
Aussi faible qu’un souffle, la voix de Nicholas résonna comme un écho au plus profond du cœur brisé d’Agatha.
- Ça va bien se passer, maman… Tout ira bien. Tu seras… forte. Promis ?
Agatha, la gorge nouée, hocha la tête, incapable de parler, ses larmes glissant silencieusement. Elle caressa doucement la joue de son fils, gravant chaque détail dans sa mémoire.
- Promis mon bébé, je t’aimerai toujours.
Nicholas esquissa un dernier sourire, fragile et lumineux.
Maintenant, murmura Agatha, sa voix cassée, son visage baigné de larmes, tu dois faire confiance à ta Riri, mon amour. Elle va t'emmener quelque part où tu seras en sécurité…
Nicholas la regarda, l’innocence mêlée de peur, mais aussi de confiance envers Rio.
- Mais, maman… tu viendras aussi, hein ?
Agatha, ravalant un sanglot, lui sourit doucement et caressa ses cheveux.
- Un jour, oui… je te retrouverai.
Tout ira bien mon cœur.
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Agatha Harkness - Le procès de la sorcière
Fanfiction"Je n'ai enfreint aucune règles. Elle se sont seulement pliées à mes pouvoirs. Attendez, non. Je ne peux pas le contrôler. Si... si seulement vous vouliez m'apprendre. Aidez-moi, par pitié. Mère, je vous en supplie. Mère, pitié." Sous les ordres d'E...