Unexpected (Le Labyrinthe)

Chapitre 24~

Cela fait maintenant trois semaines que le camp de réfugiés nous abrite. Les journées sont lentes. Ils ont construit des cabanes avec le bois de la forêt, et ont des tonnes de provisions. La vie est agréable ici, mais je ne compte pas finir mes jours dans ce village. Je sais bien que plus rien ne sera comme avant, mais je ne peux m'empêcher de penser au confort d'un canapé et d'un lit. Pour l'instant, nous dormons à même le sol dans les cabanes. En gros, je ne dors que deux heures par jour depuis trois semaines. Nous sommes énormément nombreux, et tous les matelas trouvés ont été pris. Trois cabanes servent d'hôpital aux brûlées et aux malades. Chaque jour, je me rends à la rivière, à l'arrière de la forêt. Je m'isole, lis un peu, pense, tout simplement. Je veux juste être seule, rien que quelques minutes par jours. J'ai commencé à écrire un journal. Cela peut paraître débile dans une telle situation, j'en suis bien consciente. Mais un jour j'y relirai, quand le monde ira mieux, et je me dirais "Putain, Kaya, t'as survécu à cette merde". Je suis actuellement sur mon rocher, les pieds dans l'eau froide et brune. Je me demande si la rivière n'est pas complètement infestée de je ne sais qu'elle maladie, mais je n'ai pas pris de douche depuis si longtemps, alors rien que de tremper les pieds dans l'eau me fait du bien.
Je ne cesse jamais de penser à Malcolm. Je pense à ma mère aussi, bien sûr, mais Mac hante vraiment mes pensées. Je me rappelle d'un soir - il y a environ deux ans - où Mac avait peur de s'endormir à cause des monstres sous son lit. Je lui ai promis que tout irait bien, et que personne ne viendrait lui croquer les pieds. Et que si de toute façon, ils essayaient, je leur trancherait la gorge.
Qui sait qu'elle sorte de monstre est en train de manger les pieds de mon frère en ce moment même. Si ma mère a quitté la maison, c'est qu'elle savait ce qu'elle faisait. Du moins, je l'espère. Je leur ai dit que je reviendrais, et au final, je ne suis pas revenue. Je n'aurais jamais dû écouter maman, j'aurais dû rester avec eux. Je serais peut-être morte, mais vu les circonstances, je préférais ne plus être de ce monde, ne plus à voir ces gens souffrir, tout simplement ne plus avoir à dormir dans une cabane dégoulinante de sève. Peut-être que si je mourrais, je serais beaucoup mieux. De toute manière, à moins que quelqu'un ne me tue, je n'aurais jamais la force de me suicider.

-Ça va?

Rena me rejoint.

-Oui oui!

Elle s'assoit à côté de moi.

-J'ai trop mal au dos.

Je souris.

-On va pas rester là toute notre vie quand même? Dit-elle.

-Je pensais à la même chose avant que tu arrives.

Elle sourit à son tour.

-Alors, avec Will? Demandé-je, sourire en coin.

Elle rit. Sûrement nerveusement.

-Tu l'aimes beaucoup, pas vrai?

-C'est plus que ça. Dit-elle en baissant les yeux au sol.

Je souris. C'est adorable.

-Je me demande si au moins une personne de ma famille est encore vivante. J'ai l'impression que nous sommes les seuls survivants. Dis-je.

-C'est exactement ce que je pense!

-On est pas meilleures amies pour rien. Dis-je, en riant.

Un grondement retentit dans le ciel. Je lève les yeux sur les nuages de couleur orangée. Ça doit être la cinquième fois que cet avion - à vrai dire, ça ne ressemble pas à un avion - vole au dessus du camp. Nous avons essayé de leur faire de grands signes, de hurler, de les appeler, mais aucune réaction de leurs parts. Nous avons abandonné au bout du troisième essai. Je le regarde s'éloigner lentement, jusqu'à disparaître.