Chapitre Deux.

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Romain se laissa tomber sur une chaise à côté d'une porte en bois d'au moins deux mètres de haut. La porte du bureau de la directrice ? " Elle fait pas dans l'originalité elle ! ". Je commençais à à me dandiner sur place, gênée. Romain se tourna alors vers moi et sourit.

" Bah vas-y, elle ne va pas te bouffer ! "

Je posais ma main sur la poignée fraîche et la poussait non sans mal. Aussitôt un énorme rayon de lumière vint m'aveugler et je titubais en arrière.

" Entre. "

Quelle politesse. Je m'engouffrait dans la pièce et refermais avec précaution la porte derrière moi. Comme je me l'étais imaginé, ce bureau était réellement un cliché: les murs étaient recouverts par des étagères remplies de livres qui atteignaient le plafond, et au centre de la pièce, en face d'une immense fenêtre qui donnait sur la cour, il y avait un bureau en bois lustré, ainsi qu'une chaise recouverte d'un tissu rouge. Assise sur cette chaise, les jambes croisées, une femme que je supposais être la directrice. Chignon blond, yeux clairs, une robe tailleur à fleurs tout aussi voyante que celle de sa fille. Le portrait craché de Faragonda dans " les Winx ".

Sur un signe de tête de sa part, je m'approchais du bureau et pris place sur la chaise inconfortable que je n'avais pas remarquée.

" Ana Mathews c'est ça ?

- Oui. "

Elle survola mes cheveux du regard et je vis un air désolant dans ces prunelles.

" Donc, tu sais pourquoi je t'ai convoquée ici ?

- Parce que je suis nouvelle en 1ère ? "

Elle soupira et posa sur le bout de son nez une vieille paire de lunettes.

" Non. Si je devais faire venir chaque nouvel élève dans ce bureau, je n'en aurais jamais fini. Je t'ai fais venir ici pour parler de ton casier. La CPE m'a parlé de ton cas. "

Mon visage afficha un air blasé, qu'elle essaya de chasser d'un geste de main. Elle se pencha sous son bureau et en sorti une pile de documents. Même moi je fus étonnée en voyant le "Analya Mathews" marqué au feutre rouge sur la première feuille.

" Donc, en bref: vol à l'étalage, à plusieurs reprises je précise. "

Elle leva ses yeux délavés vers moi, comme attendant une réponse de ma part. C'était possible pour elle d'avoir le droit de savoir ce genre de trucs ? Comme je me contentais de la regarder d'un air idiot, elle reprit sa lecture.

" Conduite sans permis. Dégradation d'une propriété privée. "

Elle reprit son souffle et cracha d'un air grave:

" Tu es en famille d'accueil ? "

Elle l'avait dit comme si ça avait été le pire de mes pêchés.

" Non, plus maintenant. J'ai été adoptée, tout du moins je suis sous tutelle. "

Elle leva de nouveau les yeux vers moi, tentant de voir si je mentais ou non. Par réflexe, je baissais les miens. Déjà que l'on me trouvait bizarre avec mes cheveux violets - qui au passage se barraient - , si en plus quelqu'un voyait mes yeux s'en serait fini de moi. Je me baladerais avec le mot " alien " marqué au fer rouge sur mon front toute ma scolarité.

" Ana, écoute... "

Sa voix avait pris un ton mielleux, maternel. Cette femme commençait à me dégoûter.

" Tout ce que je veux, c'est t'aider à t'intégrer ici. Je sais à quel point tu ne nous fais peut-être pas confiance, et le fait que tu viens de déménager..."

Je la regardais en hochant la tête toute les cinq secondes. Sa voix m'endormait tellement que je ne pouvais même pas soutenir son regard. Elle continua son discours pré-enregistré, sans se douter un instant que je ne l'écoutais déjà plus.

" Comme tu le sais sans doute, être la directrice de ce lycée m'oblige à être la conseillère de chaque élève. Je connais leurs passions, leurs ressentis et leur future orientation, en bref ça arrive assez souvent que les gens se confient à moi. "

Ma main droite commença à trembler légèrement sous le bureau. "Ça devient personnel là." fit ma conscience. Trop personnel à mon goût. Je sentais déjà venir la suite.

" Donc, -fit-elle en sortant un stylo de je ne sais où, j'aimerais que tu me parles un peu de toi, de ton passé par exemple. "

Merde merde merde merde. De toutes les choses que j'évitais d'aborder: mon passé. Bah bien sûr. Cette femme était folle, tout autant que les gens de cet endroit. Je me surpris à fermer mes yeux de toutes mes forces, priant pour que comme par magie je les ré-ouvres dans un endroit éloigné de celui ci. Un mal de crâne abominable me martelait la tête. Je cherchais du bout des doigts la présence rassurante du collier caché sous mon haut, et la cordelette rugueuse effleura mon pouce.

" Alors ? "

J'entrouvris les lèvres. Au même moment, un bruit sourd retentit dans la pièce en faisant trembler le sol. La directrice et moi sursautâmes. L'étagère d'une des deux bibliothèques qui encadraient le bureau venait de s'effondrer, libérant au passage une dizaine de livres éparpillés au sol. La directrice se releva en jurant, ce qui me fit pouffer de rire. Elle tenta tant bien que mal de se pencher pour les récupérer, puis se retourna vers moi.

" Et bien alors ? Qu'est-ce que tu attend ? "

Je me levais de ma chaise et me dirigeais vers elle. Elle leva les yeux au ciel.

" Je voulais dire: tu peux y aller ! "

Je trottinais vers la sortie, tentant tant bien que mal de dissimuler ma joie. Au moins cette femme intrusive ne risquait pas de croiser mon chemin avant un petit moment.

Je venais juste de sortir de la salle lorsqu'une tornade rousse sortie de nul part me heurta de plein fouet. Comme une grosse merde, je m'écroulais au sol. Mon bras frappa dans le mur et je ne pus m'empêcher de grimacer. Mon "agresseur", roulé au sol en position fœtale, s'aida de la porte pour se relever. En se relevant, il parut sur le point de me dire quelque chose lorsqu'une expression de surprise alluma ses traits. Expression qui s'évanouit aussitôt. Il me lança un regard glacé et lâcha froidement :

" Fais gaffe. "

Puis il reprit sa course et disparut au bout du couloir. La sonnerie se fit alors entendre. Je me relevais à mon tour, le plus calmement possible.

Lui aussi j'avais une étrange envie de l'étriper.

Human - Somnum (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant